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La lutte des classes.

Au cours des années de bonne fortune, un courant d’opinion a détrôné la théorie des « classes sociales » issue directement de « la lutte des classes » à partir des travaux de Marx sur la société du XIXme siècle. Le philosophe définissait le corps social par rapport à la classe possédant les moyens de production.
Le parti socialiste, alors en pleine ascension, fut un des premiers à développer ce thème de Marx. Aussi curieusement, il est aujourd’hui en tête de gondole pour le récuser. La réussite de ses élites y est pour beaucoup. Ils voulaient oublier le milieu dont ils étaient pour la plupart issus. Puis vinrent les Rastignac diplômés qui virent dans le socialisme un moyen de bien gagner sa vie et qui firent de ce parti une agence de placement pour faux idéologues.

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Les partis de droite adhérèrent tout de suite à cette idée de disparition des classes trouvant pratique de dissimuler la leur dans une nouvelle manière de considérer le corps social.
La situation économique s’étant singulièrement dégradée sans espoir d’un retour à une prospérité mieux répartie, une exaspération des milieux populaires s’est à nouveau manifestée provoquée par la hausse de la pauvreté, des inégalités scolaires, du sur-chômage des ouvriers non qualifiés, des inégalités d’accès aux soins, etc.
Toujours superbement niées par les partis de gauche et de droite de gouvernement ainsi que dans les journaux, voilà que les classes sociales ressuscitent dans les débats des syndicats, du PTB et de la gauche chrétienne. Bien entendu pas sous la désignation d’affrontements dans lesquels Marx l’entendait, mais dans des manifestations différentes, « milieux », « couches » ou « catégories » sociales.
Récusant en bloc cette résurgence les gouvernements successifs n’ont fait qu’ignorer un phénomène pourtant significatif. C’est que la société fragmentée en classes sociales renvoie à un passé pas si lointain qui vit dangereusement les exclus de la prospérité se regrouper dans une vaste configuration de demandes communes.
Mieux qu’oubliées ces classe sociales, on les avait enterrées avec le soulagement des classes aisées mettant en bières les domestiques trop turbulents. Vous pensez à l’ère de l’individualisation, les « classes sociales », sont obsolètes, se récriait-on.
À la lumière du fiasco de notre système économique, voilà que des masses se reforment et que des catégories renaissent faites des bas salaires, du chômage et de l’exclusion sociétale. C’est ce que des économistes ignorés des médias et vilipendés des gouvernants appellent le «nouvel âge des inégalités ».
Quelles sont-elles ? Elles ont perdu le caractère simpliste qui divisait la société du temps de Zola : les nantis et leurs esclaves. Elles se sont diversifiées et touchent aussi bien le sexe (discrimination hommes/femmes), l’âge (on vit jusqu’à 80 ans et plus, mais on est vieux à 45 ans dans une entreprise), la couleur de peau (contrôles multiples des « basanés », difficultés d’embauche), les droits du sol ou les droits des individus, en plus des fortes inégalités salariales selon que vous êtes du bon ou du mauvais côté du salariat ou du revenu de remplacement (inégalités des pensions entre autres).
Quant à la culture, Malika Sorel met la gauche et la droite hors jeu « l’immigration de masse rend impossible l’intégration » dit-elle dans ce qui est l’assimilation culturelle par le vivre ensemble, ce qui donne à mes anciennes chroniques le soutien d’une philosophe non suspectée de travailler pour le Front National.
Bien entendu celui qui cherche les causes de ce déraillement social le fait à ses risques et périls. Il lui faut un solide désintéressement. Il s’exclut d’occuper un poste dans une banque ou une université, d’obtenir un emploi de journaliste ou de militer dans un parti de pouvoir. Le malheureux qui cherche en homme probe les causes sociales de nos difficultés est aussitôt accusé de « sociologisme », sinon de populisme par la RTBF, RTL et tout qui porte des galons dans le système.
D’autant que nous sommes à la veille d’une guerre des religions possible et que les immigrés sont dans la catégorie sociale la plus défavorisée. Pour le pouvoir, il ne faut surtout pas les ranger dans un système de classe, tant que la transhumance du Sud vers le Nord ne prend pas une tournure tragique, quitte à leur faire porter le chapeau du terrorisme, si ça tournait mal avec Daech . En attendant que ce cirque prenne une dimension grandiose, ce qui préoccupe les pseudos intellectuels dont les archétypes logent à nos frais dans tous les ministères de droite, c’est la peur supposée des autochtones devant l’invasion d’allochtones, qui tenteraient, comme dans le sketch de Fernand Reynaud de « venir manger le pain des Français », entendez par là celui des Européens.
(Suite de la chronique dans le prochain numéro, comme on dit.)

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