Médiocratie.
Pour paraître aussi lisses « nos grands destins » sont en réalité des médiocres nés. Épinglons nos imagos sur le buvard des chasseurs de lépidoptères, comme ils sont beaux, brillants, affables, vertueux avec des vies sans pli repassées comme leurs cols de chemise, de ces clients fabuleux pour les futures sagas à raconter dans nos écoles vers 2050.
« La vie de Charles Michel fut en tout point exemplaire. Avec son grand ami Didier Reynders, ils sauvèrent la Belgique plus d’une fois… », etc.
La médiocratie habite cet étrange pays en forme de croissant au cœur de l’Europe, par l’habileté de son personnel à établir la norme partout. Plus moyens qu’eux, c’est impossible, comme ils s’estiment les meilleurs, il faudra donc que les bons citoyens soient moyens sous peine de sombrer dans la marginalité.
La presse s’est mise au pas, forcément, les patrons de presse avaient déjà sélectionné les journalistes les plus moyens qu’ils aient pu trouver à l’école de journalisme de l’ULB.
Le compromis à la belge, célèbre dans le monde entier fait grand cas des idées et des hommes moyens. C’est pratique, ils sont interchangeables. On met Reynders à l’agriculture aussi facilement que Peeters ou Michel à la Jeunesse et aux sports, qu’aux Finances ou à la Fonction publique. L’homme moyen a ceci de pratique que son ectoplasme prend la forme du bureau dans lequel il opère et tout le monde loue sa compétence, alors qu’il n’est qu’un ersatz parfait, par mimétisme et travail de faussaire.
La Belgique est dans cet état pré éthylique qui dispose aux attitudes béates et conciliantes, entre la vie pensée et la vie en sommeil : l’état moyen par excellence.
C'est une « révolution anesthésiante », à penser mou, à « carpettiser » les convictions en kit dans des valises multi usages.
Nous vivons dans des semainiers IKEA bien rangés, sans autre mouvement que ceux de notre univers tiroir qui est aussi celui du ver à bois à deux directions : avancer ou reculer.
D’abord, qu’est-ce que la médiocratie ?
Difficile de trouver une autre expression pour désigner ce qui est moyen. Entre supériorité et infériorité, il y a ce qui est médiocre et le médiocre en est l’acteur.
Il fallait absolument que ce soit Willy Borsu qui s’employât aux classes moyennes, étant le plus moyen des membres pourtant très moyens du Mouvement Réformateur.
Qu’est-ce qui a pu déterminer ces gens, pas nécessairement médiocres au départ, à le devenir à l’arrivée ?
Une réponse éclatante : la fonction, la durée et le pognon qui va avec.
Le travail a beaucoup changé. Les métiers ont disparu résumés dans des brochures de montage, robotisant la classe ouvrière. L’artisan liquidé, le travail de bureau comme celui d’usine n’a plus besoin que d’âmes serves, bien moyennes, bien obéissantes. Á la limite un travailleur légèrement demeuré intellectuellement mais bien volontaire et aimant les travaux répétitifs et peu compliqués sera de loin préféré au travailleur trop intelligent pour prendre de l’intérêt à ce qu’on lui ordonne de faire.
Toute la Belgique en est là.
De là à faire passer du privé au domaine public cette méthode dite de gouvernance, il n’y a qu’un pas et c’est ce qu’est en train de se réaliser en Belgique et ailleurs avec les partis de droite et les partis de gauche associés.
Sous prétexte d’efficacité, la médiocrité est passée d’un bord à l’autre au motif « d’égalité » des parties, en bonne démocratie.
Évidemment cette médiocrité générale a été reconnue tout de suite comme un grand progrès de justice sociale par le Belge moyen et rentable par les associations patronales.
Comme disent les manuels d’économie mis à l’index par les médiocres « La gouvernance moderne est une gestion néolibérale de l'Etat afin de déréglementer et de privatiser les services publics et d’adapter les institutions aux besoins des entreprises. »
Gouvernance n’est pas démocratie, c’est même le contraire.
Dans ce bain tiède, les médiocres y sont à l’aise. L’action politique y est réduite à la gestion. Ce qu’adorent nos ministres tellement médiocres qu’ils y sont admirables !
Cet état nous transforme en toutous réjouis en présence de ses maîtres et accablé quand ils ne sont pas là. Et comme dirait aussi bien le patron du soir que Bart De Wever, Di Rupo et même Bel Armand De Decker : dans la perspective de l’adoration inconditionnelle du libéralisme.