Le capitalisme peut-il survivre ?
L’excipit de « Capitalisme, socialisme et démocratie » de Schumpeter (paru en 1942) ne laisse aucun doute sur le peu de chance que l’économiste accordait au système capitaliste de passer d’un siècle à l’autre. Pourtant, nous sommes en 2016 et malgré une succession d’avatars qui en auraient abattus plus d’un, les démocraties s’en contentent encore.
C’est dire comme sont parfois naïfs ceux qui se livrent à des pronostics sur la durée d’une machine à faire de la misère générale un tremplin à ceux qui ont de la chance de rejoindre "l’élite" .
Depuis bientôt trente ans, l’usage du mot « capitalisme » a été ringardisé par les nouveaux entrepreneurs de peur qu’il ne serve de ralliement à une forme de populisme social. « Les mots ne veulent rien dire, ergotent les associations patronales, la critique sociale du temps de Zola et de Marx n’a plus grand-chose à voir avec les économies modernes.
« Parlons plutôt d’une économie de marché » s’écrient en chœur le VOKA et la FEB.
L’effondrement du bloc soviétique n’était-il pas survenu à point pour renforcer l’illusion du triomphe garanti du marché libre ?
Il y a trente ans, les partis politiques se sont tous alignés sur une économie aussi prépondérante qu’il aurait été vain d’en chercher au moins des améliorations.
La crise des subprimes et ses suites sont venues remettre en question la durée d’un système économique à son stade d’obésité financière, pour tout le monde sauf pour le monde politique et son vecteur d’idées le monde de l’information.
Et voilà le drame : malgré les désastres devant nous, les responsables élus de nos démocraties s’obstinent à gérer le pays comme le ferait le conseil d’administration d’une banque ! Ils suspendent à l’humeur et à la fantaisie du marché l’ensemble des citoyens !
Le capitalisme peut-il survivre ?
La voilà la bonne question ! Et nous, devrait-on sombrer avec lui, puisque les élus ne prévoient rien d’autre que l’adaptation de nos vies et même de nos mœurs à l’inconstance de l’offre et de la demande.
Schumpeter le notait en 42 : la disparition possible de ce mode de production ne nous dit rien sur notre survie dans le chaos qui s’en suivrait. Même les socialistes sont étrangement muets sur la question, par peur d’irriter une population d’électeurs irresponsables !
L’humanité peut sombrer dans la barbarie la plus complète. Daech dans le délire d’une religion moyenâgeuse prépare les dévots à sa version de Dieu. Le dernier carré de laïques démissionne devant la foi multiconfessionnelle ! Dieu est pour les soixante heures semaine. Bart en est convaincu.
À juger l’état dans lequel nos dirigeants ont mis la démocratie, si personne ne voit le précipice dans lequel nous entraîne l’avalanche inégalitaire, l’antidote alternative, ce n’est pas pour demain.
Pour l’heure nous avons assez de nous occuper des enfoirés élevés sur le terreau médiocre du capitalisme triomphant et qui préfèrent se faire péter au hasard de la foule, plutôt que pointer au chômage. Ce qui ne veut pas dire qu’ils ont raison, ce qui veut dire au contraire que nous ferions bien de nous intéresser d’un peu plus près à leurs conneries aux motivations religieuses.
Dans ce piège qui se referme au nom d’une économie « incontournable », tout qui fait une tentative de desserrer les dents d’acier est pris pour un arriéré mental, un pauvre type dont on se moque.
On a un aperçu de ce que pense le MR sur la question. Le dernier discours de son président, le petit Chastel, est le sommet de l’anthologie de la bêtise capitaliste. Les invités frétillaient de plaisir.
Et dire que ce sont ces gens-là qui traitent les autres de fous !
Pour Schumpeter, proche en ce domaine de Marx, le capitalisme est appelé à mourir sous les coups de ses propres succès, qui minent ses fondements. En 2016, alors que les succès finissent en catastrophes, reviennent en boucles ses échecs : famine, inégalité, meurtres, prévarications, dictature, etc.
À revoir « Les grands cimetières sous la Lune » de Bernanos, ce n’est plus Franco qu’on dénonce, c’est le gréviste.
Pauvre Chastel…