Lourdé sec…
Il y a des licenciements qui ne passent pas inaperçus.
C’est rare, mais il y en a.
Dans ceux qui passent inaperçus, ce n’est pas faute de protester et de crier à l’injustice. Le public reste de marbre. Pourquoi irait-il jusqu’à s’émouvoir pour une chose tellement courante de nos jours ?
Mais quand on présente une émission à la télévision c’est autre chose. Tout ce qu’on y fait prend une grande importance, même si on est tout à fait quelconque dans un rôle que n’importe qui pourrait faire aussi bien.
On entre là dans une catégorie particulière de travailleurs, celle qui exerce une fonction, un rôle que d’aucun appelle métier, mais qui en réalité n’en est pas un.
Même pas besoin d’être présentateur pour qu’alors on s’intéresse à vous, figurant suffit. En 2001, Loana se fait connaître à Loft Story, pour avoir eu dans la piscine du jeu télévisé une relation sexuelle feinte ou réelle avec le candidat Jean-Édouard. Eh bien ! quinze ans plus tard, on en parle encore comme un job et Loana vit toujours dessus, Jean-Édouard beaucoup moins. On ne nous passe aucun drame : prise de poids, drogue, déchéance physique et parfois quand on est au bout des déchéances possibles une incroyable remontée, une perte de poids sensible, etc. Le travail dans tout cela ne s’est jamais définitivement arrêté. Loana ne disparaîtra pas de sitôt de nos mémoires. Encore que la pauvre ne roule pas sur l’or… que voilà belle lurette qu’elle se fait des clients comme elle peut et que le manque de thune, elle connaît.
C’est dire le coup de tonnerre du licenciement d’un gros calibre. Julien Lepers viré de question pour un champion par Dana Hastier, la patronne d’FR 3 !
Des millions de chômeurs n’en reviennent pas. Qu’on leur ait fait ça à eux, quoi de plus naturel ! La conjoncture est l’arme fatale de la droite. Charles Michel aide les patrons à dégager les couloirs du personnel à la pelleteuse, mais à Julien Lepers, l’incontournable, l’indégommable, l’indéformable, fichu dehors, on en est scié !
Et quand il vient lui-même nous raconter la vacherie de sa patronne, nous qui en avons connu de bien pires, nous restons confondus par la perversité de Dana Hastier. Quoi ! avoir attendu sournoisement qu’il ait mis le jeu en boîte jusqu’à fin janvier (tu parles d’un direct) pour lui dire « mon petit Julien, tu es viré » ! Les chômeurs, à qui on rapporte l’histoire, sont émus aux larmes.
Si dans les files pour l’emploi au FOREM, on passait une casquette à la main « pour soutenir Julien Lepers », on sortirait des lieux avec plein de billets de cinq euros.
Du coup, Michel Drucker (73 ans) s’enflamme pour Julien (66 ans). On s’en prend aux vieux. Les catégories d’âge qui ont été lourdées à 55 ans, traitées d’inutiles à l’usine, prennent ce licenciement de Julien comme le leur. Les pétitions circulent : l’âge ne diminue en rien la capacité à la télévision. Au contraire. Julien correspondait bien à son public. Souvent il était le jeunot dans son émission. Certains candidats étaient même plus vieux que Drucker.
On poursuivrait à l’infini la dispersion d’adrénaline, si une dernière nouvelle n’avait pour mérite de remettre chacun à sa place : les besogneux d’un côté et Julien Lepers de l’autre.
Le présentateur ne fréquente pas les mêmes chantiers. À 66 ans, France-Télévision aurait très bien pu réclamer un droit à la pension, sauf qu’il n’y a pas de limite d’âge au cirque.
On navigue ici dans des eaux inconnues du grand public.
Julien Lepers recevra un million trois cent mille euros d’indemnités de départ.
Malgré tout, Julien n’en démord pas et veut porter l’affaire aux Prud’hommes.
Du coup les besogneux licenciés ne comprennent plus. Eux qu’on entourloupe en général pour cessation d’activité et qui reçoivent peau de balle des employeurs malhonnêtes.
Et voilà Julien Lepers comparé à Claire Chazal (59 ans) à propos de la somme qu'elle aurait prise à TF 1. Le chiffre de 2 millions d'euros était avancé, ce sera finalement 3.5 millions d'euros en indemnités de licenciement.
Qu’on cesse de pleurer dans les chaumières. Qu’on pense plutôt aux pauvres types de chez Goodyear qui vont faire quelques mois de prison pour avoir "bénéficié" de la publicité faite autour de la chemise déchirée du salaud qui s’apprêtait à licencier à Air France. Comme quoi la justice est tout sauf impartiale.
Qu’on réfléchisse à la réaction de la France qui gouverne, réaction qui serait identique en Belgique si des malotrus s’en prenaient aux directions de Zaventem et d’ailleurs.
Si ce n’est pas une association de malfaiteurs, tout ça !... Licencieurs et licenciés, même combat.