Un Pearl-Harbour belge !
On est atterré ou sidéré, au choix, de voir comme ce gouvernement escamote la déperdition de la démocratie au nom de sa compatibilité avec la Constitution – en cause la quasi non participation des Wallons. Pour « donner à manger » au MR qui risquait de se voir dans l’opposition avec toute autre formule, c’était gonflé !
De fait, la N-VA est entrée de plein pied dans le quarteron des partis possibles de gouvernement et qui sait, demain, le Vlaams Belang, grâce au clan Michel.
Au début on a baptisé cette bizarrerie la « kamikaze » tant on avait l’impression que favoriser l’ego du fils de Louis était insuffisant pour résister à une forte opposition wallonne. Puis on s’est aperçu que l’unanimité était de mise à droite et que toutes les droites belges étaient satisfaites de cet arrangement avec la N-VA. Il restait à trouver une théorie à vendre au restant des Belges.
Ce fut celle de l’usure du pouvoir, réservée seule au parti flamingant, laissant sous-entendre que dans compromis, il y a compromission. Comme si cette politique n’allait pas aussi discréditer les autres partis, le plus sensible étant le CD&V avec son aile syndicale littéralement mise au rancart par le souriant perpétuel Kriss Peeters.
Mais voilà que ce mois de janvier le voile tombe et que Bart Dark De Wever a compris le danger du piège où il ne veut pas se laisser enfermer. Il vient de sonner le clairon du « debout dans les chambrées » histoire de rappeler le premier article des statuts de la N-VA, à savoir que dedans ou dehors du gouvernement ce parti est dans l’âme séparatiste.
Quelle nouvelle ! Les journaux l’avaient oublié.
Et pendant ce temps, ce vieux grigou de Bacquelaine est en train d’arranger à sa manière le régime des pensions pour se faire une petite réserve de voix du côté des grosses. C’est encore l’édito de Béatrice Delvaux sur son ras-le-bol d’une commission parlementaire de plus qui ne servira à rien, comme son texte, du reste, qui est parti bien vite du sommaire de ce jeudi 28 janvier du journal Le Soir, pour une fois qu’elle rendait bien l’atmosphère délétère de ce début d’année. Aurait-elle été censurée par les vieux réacs de la direction ?
Et enfin, c’est Marcel Sel qui pense avec raison « qu’il n’est pas normal… qu’on laisse gouverner le pays par un parti qui veut sa fin. Avec le temps, on aurait presque fini par s’y habituer. On ne le peut pas. »
Et pendant ce temps, la Belgique, comme les autres pays d’Europe, laisse aller le phénomène de « marchandéisation » des personnes, ce qui a pour effet de laminer les salaires, tandis qu’il dope les revenus des détenteurs des titres des marchés financiers.
Ce qui arrange bien De Wever aussi de ce point de vue très en pointe avec le MR sur un programme de concubinage avec le patronat et ce qui permet au Flamand d’Anvers de ne pas trop décevoir la grogne des nationalistes de son parti qui ne sont pas que ça, comme nous l’avons constaté depuis longtemps.
Il n’en reste pas moins que celui qui a juré de ne pas remettre le communautaire sur le tapis soutient Liesbeth Homans dans sa volonté de ne pas nommer Damien Thiéry, bourgmestre de Linkebeek et condamne la Ville de Bruxelles a réparé ses tunnels autoroutiers de ses propres deniers, ce qui est impossible, tout ça parce qu’elle n’est pas assez flamande !
Début de semaine on a eu droit à l’interview de l’inquiétant Hendrik Vuye, chargé par Bart De Wever de concocter un plan applicable dès 2019 pour reprendre l’opération « België Barst » ! Et ce en pleine roucoulade amoureuse du couple que Vador forme avec Charles Michel.
Si les choses tournent mal et que la N-VA parvient avec l’aide du Vlaams Belang et peut-être quelques dissidents des autres partis tentés par l’aventure à former un gouvernement régional dès 2019, on pourra dire que Michel aura sacrifié l’État fédéral à son ambition personnelle.
Vu son obsession à réformer le social et son financement pour une chimère du plein emploi avec la tax-shift (mais est-ce le vrai prétexte ?), Michel en cas de fiasco subirait un double échec, mettrait à néant la vision francophone du futur et réduirait son parti à l’état de squelette. C’est même cette dernière perspective qui est la plus probable, la vision séparatiste étant possible à plus long terme.
Chaque nouvelle législature voit le péril grandir. Ce serait peut-être le moment de s’intéresser au plan B qu’on a dit inexistant, mais qui pourrait très bien brusquement resurgir ailleurs qu’à l’Elysette où là on ne rêve que de taxes et d’accises dans une vision de l’avenir que ne voulaient déjà pas les contemporains de Léopold II.