Voyage autour de la Chambre.
On l’a bien vu avec ce généreux Anglais surpris en train d’aider une fillette afghane de quatre ans à rejoindre clandestinement sa famille en Angleterre : faire le bien peut dégénérer et produire le mal, ce mal fait au nom du bien.
Il en va de même en politique. Le chemin de la gauche est pavé de bonnes intentions. On s’y emploie avec de grands mots : justice sociale, solidarité avec les plus pauvres, partage de la prospérité, etc. Et comme il faut bien concrétiser en acte les belles paroles, la gauche finit par emprunter le chemin « pour une bonne société »… que préconise l’extrême droite, en tombant dans le piège du compromis.
Le parcours le plus frappant est celui de Henri De Man, dirigeant du POB dans les années 30… puis condamné à vingt ans de prison en 45 pour collaboration avec l’ennemi.
Et il n’est pas le seul, même s’il faut faire la part d’opportunisme comme nos ministres carriéristes. Inutile de les désigner, ils sont légions, à droite comme à gauche. Il y a quand même des gens sincères qui tombent dans le piège, croyant faire œuvre utile.
La capacité des partis foncièrement de droite comme le MR et la N-VA de capter à leur avantage la déception des milieux populaires due à la dégradation de leur niveau de vie est proprement étonnante, puisque ce sont ces partis qui contribuent le plus à cette dégradation !
Le tour de force consiste à faire croire que « les sacrifices » nécessaires seront « récompensés » par une nouvelle ère de prospérité qui s’ouvrira au bout de la route.
La difficulté est d’établir en pourcentage les transferts électoraux et politiques entre gauche et droite. On peut se demander quel type de raisonnement conduit un employé au salaire de 1500 € le mois et mieux encore un chômeur à 835 € d’indemnités de voter à droite ? L’un à qui on supprime un index et l’autre à qui on donne un délai pour retrouver un job, sinon… la porte !
Pourtant, les seuls mouvements de ces catégories d’électeurs indécis changent la donne à chaque élection. Pour qui les bas salaires, les exclus et les paumés vont-ils voter la fois prochaine ?
Terra Nova a publié en mai 2011 un rapport intéressant (Slate Magazine) dont voici la conclusion : «Il n’est pas possible aujourd’hui pour la gauche de chercher à restaurer sa coalition historique de classe: la classe ouvrière n’est plus le cœur du vote de gauche, elle n’est plus en phase avec l’ensemble de ses valeurs, elle ne peut plus être comme elle l’a été le moteur entraînant la constitution de la majorité électorale de la gauche.»
Et c’est bien là le problème. Le PS a abandonné le principe de la lutte des classes. C’est un choix de ses dirigeants des années 60. Mais, à sa place, ces dirigeants ont laissé un grand vide. Il aurait été judicieux de poser la question « ce serait de le remplacer par quoi ? ».
Si c’est par le spectacle navrant d’un Di Rupo premier ministre préparant les restrictions sur le droit aux indemnités de chômage pour son successeur Charles Michel, ce n’était vraiment pas la peine.
Depuis, la crise économique de 2008 et ses effets sociaux une grande confusion règne sur les frontières floues des partis. La gauche représentée essentiellement par le PS, un parti de gouvernement, ne peut pas tirer avantage de cette crise puisqu’elle en partage désormais la responsabilité avec la droite.
À l’inverse, on voit même certains électeurs du MR, rompant avec les discours lénifiants des Chastel et autres Reynders entrer dans le déni des déçus du PS !
Effets curieux et pervers, ce mécontentement génère une dynamique du ressentiment qui se traduit en Flandre par un succès de la N-VA et en Wallonie par un resserrement entre le MR et le PS.
C’est dans cette logique du ressentiment que Bart De Wever obtient des succès sur les plans communautaire et social, l’argument massue étant de reporter la faute des difficultés sur le dos de la communauté partenaire.
Conclusion, une impasse économique d’une grande gravité ne doit pas nous faire perdre de vue la dégénérescence de la démocratie par l’absence de contraste entre la droite et la gauche.
C’est cette absence de contraste qui fait qu’un grand désintérêt s’installe non pas dans la mise en place des élus qui n’en est que la conséquence, mais dans le système lui-même plaçant la démocratie par délégation au bout du rouleau.