Fichtre !... fichés.
Ce n’est pas une nouveauté : l’Europe va mal ! L’économie est catastrophique. Le chômage bat des records dans certains pays. Les frontières Schengen ne plongent dans l’embarras que ceux qui en priorité reçoivent les flots de populations fuyant la guerre d’Afrique du Nord. Cependant personne n’est à l’abri d’un raz-de-marée humain et l’Europe se doit d’une double solidarité qu’elle n’a pas à l’égard de ses ressortissants dépassés par les événements et celle qu’elle doit aux réfugiés de guerre par devoir d’humanité.
Pourtant, il y a au moins un service qui fonctionne de mieux en mieux de concertation et d’entraide, c’est celui du renseignement entre États pour faire face au terrorisme, mais pas seulement, parce qu’il sous-entend des fichages qui ne sont pas tous liés aux fous d’Allah.
La sécurité a toujours été l’obsession des dirigeants. La première de leurs préoccupations est pour eux-mêmes, l’insécurité est synonyme d’instabilité avec comme corollaire le souci de se faire réélire quand de toutes part des critiques s’élèvent. La deuxième tient au besoin qui devient vite maladif de tout contrôler. C’est le principe même de l’autorité inhérente à tout homme de pouvoir. L’aventure du Watergate dans laquelle a sombré la présidence Nixon est la conséquence de cette paranoïa des classes dirigeantes.
La foule rejoint ce besoin de sécurité en ignorant superbement où elle met les pieds, ce qui fait qu’elle approuve toujours l’action musclée de l’État quand il y a péril, jusqu’au jour où elle se rend compte que les coups de matraque sont mal distribués. C’est en général toujours trop tard.
Les renseignements surmultipliés par des accords entre États sont encore plus mal perçus. Ils sont indispensables, ce qu’ils sont, pour certains actes comme le terrorisme, mais comme ce terrorisme est insidieux et qu’il est partout et nulle part, ficher tout le monde entre dans le travail parfait de la police. Le résultat est assez désastreux du point de vue de la démocratie et de la liberté tout court.
Les autorités de l'Union s’appuient sur des bases de données de plus en plus massives, centralisées et croisées. Que faire d’elles et comment les préserver d’un pervers y ayant accès ? La question est posée, mais elle est non résolue à ce jour.
Le 25 janvier, à La Haye (Pays-Bas), les chefs de la sécurité en Europe lançaient officiellement un «centre antiterrorisme», sous la direction d’Europol. Ce centre est chargé de faciliter le partage d’informations entre les Etats.
La sécurité nationale au cœur de la souveraineté des États, les dirigeants autoritaires se frottent les mains. On n’en est pas encore à l’incendie du Reichstadt par un Marinus van der Lubbe, mais ceux qui auront en mains des millions de noms avec traces judiciaires ou sans, n’auront que l’embarras du choix, quand il sera tentant de masquer l’une ou l’autre erreur en haut-lieu.
Depuis plus de dix ans, le terrorisme et l’immigration irrégulière rendent incertaine la différenciation entre l’un et l’autre. On y pensait déjà au temps de Mitterrand, qui avait tant de choses à cacher lui-même (la francisque, sa fille naturelle, le Rainbow Warrior, les écoutes téléphoniques depuis l’Élysée, etc.), que dans le contexte d’aujourd’hui il lui aurait été plus facile de noyer le poisson par l’obligation du renseignement et la nécessité de l’urgence, entrant dans quelques-unes de ses tribulations.
Paradoxalement, si elle éclaire de manière crue les quidams sans distinction, cette nouvelle avancée des renseignements permet les manipulateurs de ces renseignements de se dissimuler derrière.
Le nombre de données récoltées ne cesse d’augmenter : des réseaux d’échanges de données, comme Europol, des bases de données européennes centralisées dont le but est de signaler des personnes ou objets afin de lutter contre la criminalité, « Ecris » le fichier d’échange des casiers judiciaires, ou le Visa information système (VIS) de toutes les données relatives aux demandes de visa de l’espace Schengen.
Une collecte de données personnelles s’appliquera à toute personne qui prendra l’avion, puis à toute personne qui voyagera en dehors de l’espace Schengen. «Il existe aujourd’hui une tendance à donner à la police un accès à des données d’individus qui ne sont pas, a priori, suspectés d’avoir commis un quelconque crime», révèle à la presse un fonctionnaire européen.
On peut s’attendre que d’ici dix ans, on saura tout de vous quelque part : âge, sexe, état-civil, défauts et qualités, préférence sexuelle, études, maladies, loisirs préférés, etc.
Pour ceux qui n’ont rien à cacher, ils trouveront cela normal. Personnellement ça me gêne. Je ferme toujours la porte des WC tous les matins sur le coup de 8 H et si un jour c’est à 8 H 30, je ne tiens pas à recevoir un coup de fil des autorités me demandant des comptes sur les origines de ma constipation.