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Bonne nuit... mais Debout !

Peut-être me suis-je trompé sur Nuit Debout à Paris ? J’ai cru à un happening des gens de « bonne volonté » quand le peuple se transforme en une multitude de princes charmants pour réveiller la belle endormie qu’est notre conscience de classe.
Du coup, je pensais qu’ostraciser Finkielkraut était une faute et qu’une révolution ne pouvait être qu’une fête, une réconciliation comme la fête de l’Être suprême du naïf Robespierre.
J’étais moi-même dans un conte de fée.
Ce n’est pas parce qu’on ouvre les bras que ceux qui s’y précipitent ne sont plus des adversaires déterminés à nous achever à coups de savate dès qu’ils le pourront. Ne font-ils pas toujours de la politique, les gens du pouvoir qui passent faire un tour ? Ils se rassurent devant des hallucinés sans chef, qui fument un joint et font des chaînes humaines en se tenant par la main.
Il ne faut pas leur donner ce plaisir.
Je crois percevoir dans Nuit Debout autre chose qu’un parc d’attraction pour Bobos désœuvrés.
On s’y structure et on commence à y parler de Mélenchon, un peu moins des autres gauches non conventionnelles, Nathalie Arthaud, Olivier Besancenot. C’est un signe. On met des noms sur des visages. A-t-on tort ou raison ? Ceux d’en face n’ont jamais pratiqué autrement que mettre des noms sur des figures afin d’y faire correspondre des partis, des idées.
Comment ne pas s’apercevoir que le peuple en Fancy Fair est aussi peu à craindre qu’un Ruquier ou un Ardisson ?
Par contre, dès que l’attroupement persiste, le peuple y cherche une structure, un plaidoyer, une ligne de conduite. Alors survient un signe qui ne trompe pas, le pouvoir se cabre, prend des dispositions, s’inquiète… Dame, c’est qu’une place pleine de monde qui argumente, à une époque où argumenter conduit presque toujours à ne plus vouloir du système, devient un vrai adversaire.
Débute alors les premiers pas d’une opposition sérieuse et pour qu’elle soit réellement efficace, il reste à la structurer.

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Les Nuits Debout ont trouvé un théoricien original en la personne de Frédéric Lordon, économiste et sociologue, directeur de recherche au CNRS et chercheur au Centre de sociologie européenne (CSE), membre du collectif « Les économistes atterrés ».
Inconnu pour moi et pour beaucoup d’autres, je le découvre au fil de l’actualité.
Sa pensée est rafraîchissante et elle me séduit.
Enfin, voilà un intellectuel qui ne mâche pas ses mots et expose clairement les enjeux du monde moderne. La place de la République a trouvé son porte-parole. Il ne faut pas qu’elle ait en même temps trouvé son gourou. Méfiance ! Bon, jusqu’à présent, Lordon est un penseur qui ne s’affiche pas comme un meneur. Prenons-en acte.
Lordon commence par dénoncer la "chefferie éditocratique qui confisque la parole autorisée". Ce que je fais depuis des années, montrant et démontrant la complaisance des journaux et autres médias assujettis par toutes les fibres de leur management au pouvoir économico-politique.
Il estime que ces faiseurs d’opinion n’ont qu’une idée : pousser Nuit debout à débattre dans un cadre démocratique, afin de graver dans la pierre "le citoyennisme intransitif, qui débat pour débattre, mais ne tranche rien, ne clive rien, et est conçu pour que rien n’en sorte".
Lordon plaide : il faut refuser cette démocratie "All inclusive".
Là gît une nouveauté dans la parole dénonciatrice de l’extrême gauche, d’habitude embarquée vers des majorités de gauche utopiques dans le respect des « lois démocratiques » made in système. Le débat démocratique, c’est l’impasse qu’entendent imposer "la secte malfaisante, la secte de l’oligarchie néolibérale intégrée des médias organiques de l’ordre social".
Et de conclure "nous ne sommes pas ici pour être amis avec tout le monde, et nous n’apportons pas la paix, nous n’avons aucun projet d’unanimité démocratique".
Voilà qui fait du bien à entendre et rend à Nuit Debout le sens de la lutte.

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