Un métier ingrat !
Panama Papers. Les pauvres raisons pour ne pas publier les noms de ces voyous montrent à quel point la presse en Belgique a le petit doigt sur la couture du pantalon.
Comme cette liste n’est « top secret » que dans nos gazettes, on va peut-être savoir qui, dans les hautes sphères de la société morale belge, fait son petit Cahuzac.
Heureusement qu’il y a d’autres moyens aujourd’hui que la presse écrite pour satisfaire à la curiosité légitime des citoyens de ce pays.
Nous avons Internet et des moyens parallèles d’informer, souvent à tort et à travers il est vrai, mais parfois de bien belle manière et efficace par-dessus le marché. Méfions-nous et tâchons de conserver cette liberté-là le plus longtemps possible. Ce n’est déjà plus le cas ailleurs. Et ici, sous prétexte de lutter contre le terrorisme, nos grands experts planchent sur les moyens de nous couper le sifflet.
Si la presse était saisie d’un désir d’équité, il serait correct de ne plus faire mention des petits fraudeurs du chômage, ni de publier les noms des contrevenants de la route, de passer pudiquement sur les petits faits-divers qui font dire aux foules que les voyous se recrutent exclusivement dans les quartiers misérables.
Comme il n’en sera rien, ce sera une occasion d’étendre le terme « presse de caniveau » à la presse dite « sérieuse ». On plaint le personnel et on le comprend à demi. C’est son seul moyen de survivre en monnayant les ragots, les potins et les faits-divers.
L’excuse du journal Le Soir de ne pas publier les noms, contrairement à d’autres Leaks, tient dans le scrupule de se tenir à ce qui résulte d’enquêtes approfondies, disent-ils. Compte-tenu du peu de grands reporters en Belgique, on se demande comment ils ont pu fouiller dans la vie de Poutine ou du Roi du Maroc pour rendre publique leur participation au Panama Papers ?
Les enquêtes menées par des autres, est-ce que cela entre dans l’éthique ? Comment savent-ils la source digne de foi ?
Quant aux informations « sensibles », personne ne demande les numéros de téléphone des contrevenants.
Comme il fallait quand même accuser le coup, la direction du Soir a décidé de marquer l’événement. C’est ainsi qu’Alain Lallemand s’est fendu d’un éditorial qu’aurait pu signer Hedebouw. C’est rare au Soir.
Que la petite troupe des vaillants du journal ne se réjouisse pas trop. La faucille et le marteau, ce n’est pas pour demain.
On se demande même si la carrière d’Alain Lallemand n’est pas vachement compromise.
Vous savez ce que c’est. Sur feu vert d’en-haut on se lâche, tellement, que ça finit par inquiéter ceux qui vous l’ont permis.
Et comme les journaux de gauche sont morts et enterrés depuis longtemps, Alain Lallemand pourrait dans six mois se retrouver au chômage sans qu’il sache pourquoi ?
Tout cela est lamentable.
Ont-ils seulement réfléchi à la position d’un honnête homme (selon la définition que le système capitaliste en a), c’est-à-dire, par exemple, membre du club Lorraine, éventuellement baron et peut-être même ayant été pharmacien, qui vit largement du travail de ses cent salariés, qui prend trois ou quatre mois de vacances par an, qui paie ses contributions et qui déclare tous ses revenus, et à cause du Soir voilà qu’il passe pour un odieux tricheur ?
Aux dernières nouvelles, les politiciens belges ont été dédouanés « Non, non, il n’y a aucun homme politique sur la liste » a dit le chœur des pleureuses du journal.
On est écœuré, tout en trouvant des circonstances atténuantes aux journalistes.
L’allocation universelle qu’ils ridiculisent aurait été efficace dans leur cas. Ils auraient pu dire ce qu’ils pensent sans craindre de perdre les moyens de se nourrir.
Car, je suppose qu’il y a des gens dans les gazettes qui doivent tous les jours mordre sur leur chique pour ne pas écrire ce qu’ils pensent, mais se fouiller les méninges pour connaître le point de vue de la direction.
Vous me direz au Soir, ce ne doit pas être difficile. On est à droite, point barre.
Quand même…dur métier !