Va te « fer » voir ailleurs.
Un an jour pour jour après avoir repris ESB (aciérie électrique à Seraing), ça chauffe à Seraing pour le groupe Elephant Green, mais plus dans les fours, devant et dans l’usine.
Pour nos politiciens de moquette cela ne signifie pas grand-chose. Ceux qui n’ont de pain assuré qu’aux efforts de leurs bras ne sont pas du même avis.
Il y a un an, le groupe REM déposait un business plan pour la reprise de Cockerill Forges Ring Mill et la cokerie qui appartenaient à Mittal. L’objectif était de faire tourner l’aciérie électrique en feux continus pour produire, avec Ring Mill, un acier spécifique tout en assurant une indépendance énergétique grâce à la cokerie qui alimenterait une centrale électrique biomasse.
On parlait alors, dans l’euphorie, d’un business plan de 600 emplois directs et 500 emplois indirects pour faire tourner ces 3 sites.
Comme la Région Wallonne s’était fait avoir par Lakshmi Mittal les années précédentes dans une sorte de grande braderie à fourguer l’acier liégeois, les travailleurs avaient raison de se méfier.
Il y a toujours une demande d’acier en Europe. C’était sans compter sur la violence de la lutte pour le bol de riz quotidien en Chine et aux Indes, sans compter le peu de cas que le système capitaliste fait de la valeur d’un homme.
Charles Michel appelle ce cirque, un juste réajustement pour que nous soyons compétitifs.
Les syndicalistes pensaient déjà à l’époque que les repreneurs annoncés sont les pires capitalistes « ceux qui ont un projet industriel assez flou et qui investissent aussi bien dans l’industrie que dans l’immobilier ou les soins de santé pour assurer que la valeur de leurs fonds de placement en bourse augmente. »
Les travailleurs sont passés sous la coupe d’un voyou (Mittal) à un autre. Ils pensaient qu’il y avait encore un avenir à l’acier liégeois. Malgré les clowneries du ministre Marcourt, et les exposés branchés de Paul Magnette, ils gardaient une certaine confiance dans l’avenir.
Un an plus tard, il n’est plus question d’expansion, d’embauche, mais de fermeture et de salaires non payés.
Comme quoi, la vocation du bassin…
Nous allons droit vers les emplois de service et rien d’autre. « Madame est servie » de la comédie de boulevard, c’est nous. L’avenir est aux soubrettes, aux libres services et aux transports transcontinentaux.
Les derniers feux, si l’on peut dire, des entreprises du fer, vous les trouverez dans les journaux.
« Des travailleurs de l'aciérie électrique de Seraing (ex-ESB) ont saccagé dans la nuit de lundi à mardi une partie des bureaux administratifs de l'entreprise et ont mis le feu à une machine, a-t-on appris à bonne source. »
Les détails de cette révolte contre l’accablement du mauvais sort auraient pu très bien être écrits par n’importe quel journaliste fervent défenseur du système « Les travailleurs se sont servis de matériel roulant comme bélier pour éventrer le bâtiment. Ils ont également bouté le feu aux pneus d'une machine servant à déplacer des bobines. Selon les syndicats, ces actes sont l'œuvre d'un groupuscule de travailleurs. »
C’est toujours ce qu’on dit.
Emmanuel Praet, dans sa cuisine, en a pleuré de honte pour la Belgique. Alain Raviart est venu lui tamponner les joues pour la réconforter.
Que la direction liégoise d’Elephant Green passe un sale quart d’heure en étant séquestrée, on en est convaincu. Il faudra que les cadres sachent qu’à présent chez Mittal ou ailleurs, qu’ils font un métier à risques. Les caisses vides à Liège, mais pleines ailleurs, les salaires du mois de mars n’avaient pas été payés ! Si les mains dans le cambouis ne sont plus rédhibitoires d’un paiement, on est à Calcutta sur Meuse. C’est mauvais signe pour la suite.
La direction d'Elephant Green a obtenu un sursis d'un mois par le biais d'un crédit-pont pour mars. Je pense que les salaires devraient être payés avec un intérêt, puisque la production fournie a été créditée d’un paiement ? Sinon, on se trouve dans le cas de figure d’un capitalisme qui reçoit d’un côté ce qu’il ne veut pas rétribuer de l’autre. C’est vilain, ça !
Voyant que les travailleurs ne voulaient rien entendre, la direction d'Engineering Steel Belgium a officialisé jeudi lors du conseil d'entreprise, son intention de fermer la boîte. Prochain round le 26 juin.
L'aciérie électrique avait été construite par le groupe Cockerill en 1972 avant d'être exploitée par Tubemeuse. En 1995, les Américains d'Ellwood devenaient propriétaire avant de revendre l'outil en 2009 à la holding Georgsmarienhütte (GMH) en 2009. Un vrai micmac, on se croirait à Panama ou à Hong-Kong.
En guise de requiem, Françoise Sensi, permanente syndicale chez Ans-Coiffure, a rempli la case de la date du 11avril et rempli la ligne réservée à l’entreprise dans le formulaire stencil de la FGTB et signé en-dessous du texte "Nous allons prendre le temps d'étudier toutes les pistes possibles pour dégager des solutions afin de sauver l'emploi et d'assurer à un maximum de personnes de conserver un travail. Nous nous battrons également pour obtenir les meilleures conditions sociales".
Je n’ai ni de près, ni de loin, aucun intérêt ni avantage dans ce sinistre futur de l’aciérie électrique liégeoise. Je dirais même plus que le paysage mosan va redevenir champêtre, ce qu’il était du temps des princes-évêques, au grand soulagement de la nature et de l’esthétique. Pourtant, à la lecture des journaux, j’ai l’impression que ce système ira jusqu’à me voler mon caleçon, sans que je puisse rien faire.
Et c’est très désagréable.