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Il y a guerre et guerre.

On use de superlatifs pour définir des événements graves, si bien qu’on en prend la mesure en fonction de leur retentissement.
C’est en pesant généreusement le poids des mots qu’on en dénature la signification.
Aujourd’hui, à entendre nos têtes de gondole, nous sommes en guerre contre le terrorisme ». Je croyais qu’être en guerre signifiait qu’un État était sur le point d’agresser un autre État.
On est loin du fait.
Même si la source a pignon sur rue, là où les assassins vont chercher les ordres, on ne peut pas dire que « l’État Islamique » soit un État.
Ramener l’ensemble des formes de violence à la guerre, on perd illico tous les bienfaits de la paix avec pour conséquence une perte de nos libertés. En même temps, le pouvoir en profite pour oublier de se justifier d’une série d’actions sur le traitement desquelles il n’a pas particulièrement brillé.
Le citoyen se laisse plus volontiers pousser dans le dos par la police, sous prétexte que c’est pour le bien public.
On oublie aussi la différence de statut entre un militaire et un civil, de sorte qu’on nous exhorte à nous mobiliser.
Enfin, le pouvoir toujours aussi prompt à se défiler de ses responsabilités, prolonge tant qu’il le peut l’état d’exception, ainsi en cas d’un nouvel attentat, on ne pourra pas l’accuser d’être revenu trop vite à une situation normale.
Les termes guerriers affectés à cette « guerre » spéciale produisent des effets dévastateurs sur le comportement des citoyens. C’est un peu comme si on était le spectateur d’une fête nationale près de la tribune d’honneur parmi les anciens combattants. Aux roulements de tambour et le son des trompettes, notre système nerveux prend le pas sur l’intelligence.
On échange sans le savoir notre aptitude à la culture, à notre éducation pacifique, à la poésie même de certains moments sans être poète, contre des propos guerriers faisant état d’une lutte impitoyable contre les forces du mal. Tout ça à cause de petits voyous de quartier qui se font chambrer eux-mêmes par des malfrats instigateurs plus malfaisants encore.
Qu’y perdons-nous d’abord et en premier lieu ?
Une certaine idée de la liberté.

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Et en y renonçant sans nous en rendre compte, nous servons sans le vouloir les objectifs criminels de ces délinquants. Nous hissons à des faits de guerre, des faits-divers crapuleux.
Tandis que la liberté d’entreprendre reste une valeur absolue sans discussion possible, la liberté politique de l’électeur est de plus en plus encadrée, enfermée dans le processus électoral, étouffée par les hommes de parti et de pouvoir. Nous ne les avons pas vus grignoter notre espace décisionnel collectif. Nous aurions peut-être dû nous méfier dès lors que leur statut d’homme public passait d’un bénévolat « par amour du peuple » à un métier, avec tout ce que cela comporte d’exigences, de revendications et de réticences à lâcher le pouvoir.
De glissement en glissement avec le pompon « d’état de guerre » voilà l’Europe quasiment formée d’États libéraux autoritaires, faisant des accords avec Erdogan, Turc modèle qui fait passer un État sur la voie de la démocratie, à la dictature.
Alors que s’accomplit un processus de mondialisation des échanges, avec l’ouverture généralisée des marchés, le citoyen a de plus en plus de contraintes ! (1)
L’État de guerre aura certainement contribué à la rupture de l’alliance, tant souhaitée pourtant, des sociaux-démocrates, entre capitalisme et démocratie.
Bien entendu les partis qui s’en réclament toujours ne sont absolument pas d’accord avec mes propos, cependant en Belgique l’avancée du PTB qui mord sur la clientèle du PS en est l’illustration parfaite. Les adhérents sont moins nombreux, quoiqu’encore majoritaires, à cette « communauté du monde de l’argent et du monde de la citoyenneté ». À la réflexion, on n’y croit plus.
De ce point de vue, la notion de guerre, cette fois de guerre sociale, pourrait s’ajouter à l’autre.
À trop jouer sur les mots, peut-être nos dirigeants sont-ils allés trop loin ?
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1. La mise en cause de la démocratie au nom d’une nouvelle version de la liberté, Wendy Brown parle de « dé-démocratisation » qui voit l’avènement d’une liberté purement et exclusivement économique.

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