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Vincent Bolloré : le problème !

Les journalistes politiques belges pourraient faire aussi bien que ceux que la chaîne française TV5 réunit tous les soirs avec Yves Calvi, si les mœurs en politique n’étaient pas différentes chez nous qui n’avons pas la libre expression et la critique libre. Il nous manque le courage d’oser affronter les employeurs et les ténors du système. Je sais c’est beaucoup.
Mais voilà, on sent les patrons de journaux derrière chaque journaliste, tandis que quelque part, sans l’oser pouvoir dire, les partis politiques veillent au grain.
Nos sales habitudes seraient-elles en train de déteindre chez nos voisins ? Canal+, la chaîne de Vincent Bolloré supportait l’insolence tant que les abonnements rentraient et que les programmes non-cryptés comptaient plus d’un million de téléspectateurs. Le Grand Journal ne faisant plus recette entraînant dans sa chute le Petit Journal, la direction a décidé de sabrer dans le début de soirée. La chute d’audience avait commencé avec la disparition des Guignols, dans sa formule incisive et dérangeante. Elle va s’accélérer au point qu’on se demande ce que deviendra les émissions en clair de Canal+ ?
Avec la fin du Petit journal de Yann Barthès, c’est une certaine idée du journalisme politique à la télévision qui risque de disparaître, faisant des émissions spécialisées une réplique aussi lugubre que celle pratiquée depuis toujours en Belgique.
On veut espérer que ce n’est pas la fin d’une époque et que l’impertinence dont Bolloré ne veut plus trouvera un refuge ailleurs.
En Belgique, on appréciait l’humour des décryptages des gens de pouvoir, la suffisance de ces derniers et le talent de Jan Barthès.
On sait bien que l’esprit Canal + disparu, il ne restera plus qu’un succédané à la belge.
Pour rappel, Le Petit journal avait rénové le journalisme politique à la télévision. Montrant ce que les JT de l’État ne montraient pas. C’était du vrai journalisme en somme, pointant du doigt les incohérences les mensonges et les manipulations. Le contraire de ce que font en Belgique la RTBF et RTL, avec des journalistes figés dans la crainte « de dépasser » ce que la langue de bois permet encore, inquiets d’avoir un procès pour populisme de la part des vieux libéraux attentifs dans la coulisse au moindre glissement. Pour être juste, il ne faut pas oublier certaines tentatives, quelque bonnes émissions à la RTBF, disparues au tournant du millénaire.

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Les médias belges ont toujours été beaucoup trop frileux dans la peur qu’une information tourne à divertissement ou pire serve à déconsidérer le personnel politique. Comme si le public de 2016 avait encore la naïveté de celui de l’immédiat après guerre et des premiers pas de la télévision, comme s’il se faisait encore des illusions sur ce que les parlementaires eux-mêmes ne considèrent plus comme une mission altruiste pour le bien de tous, mais comme un métier, par ailleurs grassement payé.
Hé oui ! on entend déjà les pisse-vinaigres boulevard Reyers, exulter à la pensée que l’esprit du Petit Journal c’est fini « Il se laissait aller à la caricature par la flatterie des sentiments populistes. ». Bien sûr, la dérision à tout prix a mis parfois Le Petit journal dans le décors !
Et alors ? Au moins, même ainsi il était vivant. La preuve il n’était stipendié que par les zombies et les hypocrites de la profession.
Laissons à Challenges, le magazine en ligne dont Ghislaine Ottenheimer est rédactrice en chef, le soin de conclure :
« Le Petit journal impose au journalisme politique à la télévision le même défi qu’impose la révolution numérique et les réseaux sociaux: la nécessité de repenser le traitement médiatique de la vie politique. «
« Mesurons le paradoxe: à l’heure où tout indique que la campagne présidentielle à venir, qui n’en est qu’à ses préliminaires, sera celle du coup du décryptage permanent, voici que va disparaître l’émission, dans sa version Yann Barthès, qui a eu dix ans d’avance sur l’ensemble de la profession journalistique télévisuelle. Comme c’est étrange. «
« La coïncidence est d’autant plus étrange que la nouvelle écriture imposée par le Petit journal avait conduit (un peu) les chaînes d’information et les JT à tenter de moderniser leur traitement de l’actualité politique, s’essayant aux sujets "décryptage" de la vie publique…. «
« Ceux qui traitent de la politique à la télévision oseront-t-ils reprendre le bâton de Yann Barthès, s’inspirant des leçons du Petit journal pour ré-attirer à eux un public qui les fuit, et les fuira de plus en plus si leurs pratiques ne se renouvellent pas? Ou continueront-t-ils à traiter de la politique comme on en traite depuis l’ORTF? On pense ici alors à ce vieux mot de Pierre Desgraupes, qui disait aux journalistes de télévision toujours enclins à se contempler le nombril: "On peut faire de son point de vue le meilleur journal du monde, mais s’il n’y a personne pour le regarder, c’est qu’il y a un problème". »

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