De la rizière à la risée.
Selon « Daar-Daar », l’historien et écrivain belge David Van Reybrouck a réagi au Brexit, en répondant à la question d’un ami : "tu prétends que la démocratie est plus que des élections et des référendums, mais comment ramener le bon sens ? Comment faire en sorte qu’une Europe apeurée et divisée réagisse, soit à nouveau sensible à ce qu’il s’y passe?"
C’est le délire qui continue. On clame partout que la démocratie est ce qu’il y a de mieux. Puis on passe à un référendum « sommet de la démocratie »… à condition que le vote corresponde à l’ordre bourgeois établi et l’espèce de consensus autour des notables au gouvernement.
Van Reybrouck répond aux questions de son ami en comparant la démocratie anglaise qui a voté le Brexit à la république de Weimar, cet État naissant à la chute de l’Empire allemand de 1919.
Voilà cent ans que ça dure, cette comparaison de la démocratie athénienne de quelques siècles avant JC par les anciens élèves de nos Gréco-latines. On n’y retient qu’une chose : le peuple commande, les élus exécutent. Ce qui est tout à fait faux pour Athènes, puisque dans toutes les formes de pouvoir au cours de quatre siècles avant de tomber sous le joug des Romains, le seul critère fut celui des biens et la seule catégorie sollicitée, celle des notables.
Nos sociétés se distinguent du modèle grec quant à l’origine des élus et des électeurs (sont exclus les métèques, les femmes et les esclaves), mais ne diffèrent pas sur l’importance des familles de pouvoir et le critère de l’argent.
Quel est le rapport entre la démocratie athénienne et nous ?
Je voudrais bien le savoir.
Quant à la République de Weimar et les Anglais dans leur Brexit, élaborée en 1918 suite à la défaite et la fuite de Guillaume II et close par Hitler en 1933, Weimar se singularise justement par le contraire d’un « Brexit » à l’allemande, puisque les révolutionnaires et les communistes majoritaires à la fin de la guerre, sont écartés de tous les rouages de la République par les notables et les alliés, grâce aux combines et la complicité de la force occupante.
Du coup, comme notre « grand écrivain » se trompe sur tout, le reste ne peut être que poncifs et balivernes.
De sa rizière, l’âme voyageuse de Van Reybrouck se focalise sur notre société : « Une « démocratie » de faible alliage, un enchevêtrement complexe qui creuse la tombe de la réelle démocratie. Cela fait des mois que je suis très pessimiste pour l’avenir des démocraties occidentales et aujourd’hui marque un grand tournant. Nous détruisons nos démocraties en refusant de les innover. Referendum ! Connais-tu quelque chose d’aussi primitif ? Euh oui… les élections. Cocher une case à côté d’un nom ou des initiales d’un parti. Est-ce vraiment la meilleure façon de décider collectivement et rationnellement ? ».
Tout est concentré dans ce qui est mis entre guillemets. La démocratie de l’auteur ne ressemble pas à la mienne. S’il a des références et que la démocratie d’Eyskens à Verhofstadt lui manque comme modèle, dans le genre on a fait mieux. Une démocratie de faible alliage, écrit-il à son ami : comme si nous avions eu déjà des démocraties « admirables et de haute valeur sociale » !
Des référendums et des élections, comme si l’électeur avait le choix entre aller voir ailleurs (mais où ?) et jeter « stupidement » un bulletin dans l’urne sachant que les élus ne feront pas le programme qui les a fait élire et au contraire, mèneront une politique aux seules fins économiques que personne ne leur demandait sinon les banques et les holdings.
Si l’élection est un acte primitif sans intérêt, puisqu’aussi bien sa finalité est toujours anéantie par l’élu qui en est issu, si Van Reybrouck entend la supprimer, on peut imaginer qu’au contraire, multiplier les sujets à élection et en faire plus pourraient, à la longue, faire réfléchir nos désinvoltes fascinés par le feu et qui n’entendent pas arrêter de jouer avec des allumettes !