L’ÉTÉ MEURTRIER
C’est le titre d’un film. Ce pourrait être celui des illusions que nous nous faisions sur ce qu’on a appelé improprement la démocratie et qui n’était que son brouillon.
Eh bien ! même l’esquisse : c’est fini.
Outre le parcours de la Suédoise avec le flamingantisme renaissant, la dentelle incroyable des gouvernements des Régions qui sont autant de moyens de jeter l’argent par les fenêtres, le fédéral champion des mesures de droite… l’observation de nos voisins d’Europe et d’Amérique qui fait penser que nous ne sommes pas les seuls à surfer sur la catastrophe, nous voilà avertis !
Notre génération finit une aventure, en quelque sorte un mariage entre le libéralisme économique et la démocratie. C’est un échec !
Les attentats divers et variés orchestrés par la délinquance européenne et immigrée au service de Daech, le référendum britannique qui a assommé l’Europe, la naissance d’un dictateur, Erdogan, qui nous voit à son niveau puisqu’il sonne à notre porte pour entrer dans la famille, l’investiture au parti républicain US d’un aventurier de la finance, Trump, candidat aux élections, le processus de décomposition est en marche. Cioran avait vu juste.
Cet été aura condensé toutes les surprises et toutes les désagrégations.
À commencer par l’ordre mondial, économiquement accepté par les penseurs libéraux et unanimement condamné par les peuples, séculaire et immobile, il était en réalité un volcan dont le magma se réveille. Nous allons vers l’inconnu, sans munition, sans vivre, les chefs la tête ailleurs n’ont l’esprit tourmenté que par leur réussite. Comme Charles Michel, ils sont aveuglés de leur propre éclat.
Le camp de ceux qui voient le désastre dans l’essor du populisme désigne tout naturellement les masses ignorantes à qui on aurait donné trop tôt un magnifique jouet : le suffrage universel.
Si je puis me permettre… le défaut majeur à la base de nos malheurs vient surtout du mélange des genres. La théorie de la dissolution des classes met le destin commun dans un melting-pot où la gauche classique a perdu son âme. On a pu voir le MR fêter le travail le Premier Mai sans aucune pudeur et le PS jeter les bases des sanctions futures, pénalisant les chômeurs actuels.
La gangrène est partout, le greffon sain se fait attendre. Les failles des régimes technocratiques soulignent les fautes et les défauts des forts en thème. L’intelligentsia d’État se noie sous le pont aux Ânes des cerveaux officiels.
Nous avons sous nos yeux la fin de l'histoire de la démocratie libérale, qui fut longtemps la panacée miracle du monde et qui n’est plus aujourd'hui qu’un laxatif administré à un mourant.
Avec Miss May, des eurosceptiques de la trempe de Boris Johnson et de David Davis nommés à des portefeuilles stratégiques, l’Angleterre jettera bien l’éponge. Mais quand ? Plus on attend, plus l’Europe va s’enliser pour finir dans 2000 pages d’un traité de sortie à la Juncker. Les Anglais y gagneront, seule l’Europe devra se ramasser, à la hop que je t’embrouille.
Du côté d’Erdogan, ce n’est pas la grande forme non plus. La démocratie libérale ne sort pas indemne. L'avalanche des arrestations nous fait assister à deux coups d’État en moins de 48 heures : la rébellion avortée de factions de l’armée contre le régime autoritaire d'Erdogan, et la purge de tous ceux qui pourraient remettre en péril la primauté du président sur tous les Turcs.
On passe sur Donald J. Trump, dont on vient d’apprendre que son épouse a fait pute dans sa jeunesse. Je n’ai rien contre, mais dans une Amérique plus puritaine qu’on imagine, cela en fiche un coup. Avec le mari de l’autre concurrente qui se faisait tailler des pipes sous le bureau ovale, la démocratie fait dans le Vaudeville à Washington.
Le plus drôle, ici Gerlache sera d’accord, chez Donald Trump, ce n'est pas le fait qu'il soit unique en son genre, c'est, au contraire, que ses clones se comptent par millions aux States, le fric en moins bien sûr pour la ressemblance parfaite, mais chez les clones, c’est sans importance.
Marine Le Pen en France, Frauke Petry en Allemagne, Filip Dewinter et Bart De Wever pour la Belgique, Geert Wilders aux Pays-Bas et les chefs de file du Brexit au Royaume-Uni, les démocraties libérales sont à deux doigts de rendre l’âme.
Un système hybride naît entre un État fort et une démocratie, une sorte de phénomène nouveau, non encore étudié. Vu sous cet angle, l’économie ne subirait pas de gros changements. Les riches poursuivraient une montée régulière et les pauvres une descente en proportion.
Les élites politiques conscientes, peu nombreuses, sont effrayées par la vitesse avec laquelle le nouveau système pourrait se répandre.
En Belgique, par exemple, avec un gouvernement fédéral non représentatif d’une Région, on est déjà dans un libéralisme non-démocratique, même si la Constitution le permet. Charles Michel est trop mou pour l’incarner. On ne pourrait pas en dire autant de Bart De Wever.
Déjà en luttant contre Daech l’État abandonne certaines libertés, l'establishment politique n’entend plus les demandes des citoyens et opte pour le genre décrit plus haut : un libéralisme dépourvu d’une assise populaire. Même si le libéralisme non-démocratique conserve un vernis démocratique, les citoyens se sentent floués, et c’est grave.