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D’un Nobel à l’autre.

La Banque de Suède a décerné le Nobel en sciences économiques à Angus Deaton, ce lundi 12 octobre.
Le Français Jean Tirole, nobellisé en 2014, est aux antipodes de Deaton dans l’analyse de l’économie mondiale. Ses définitions conventionnelles, comportement des marchés, construction des prix, etc. étaient attendues par tous les MR de la planète. Deux ans plus tard, elles sont largement contredites dans les faits, avec une mondialisation aux effets de plus en plus pervers, dont Tirole n’a cure.
L’Anglo-Américain, par contre, professeur à l’université de Princeton, a exploré la consommation, la pauvreté, le développement et la mesure du bien-être, confrontant les modèles et en construisant de nouveaux.
On peut dire qu’Angus Deaton est « le père de l’analyse de la demande des consommateurs ». Il a construit début des années 80, un modèle encore utilisé aujourd’hui pour comprendre les variations de la consommation. Pour ce faire, il recueille toutes les données possibles sur la consommation et les motivations des consommateurs, ainsi que leurs réactions suite aux changements de prix. L’Homme consommant, pourquoi et comment, voilà ce qui l’intéresse. Ses travaux sont directement ancrés dans la réalité de 2017 qui postulent à comprendre 2018 et ainsi de suite. Contrairement à Tirole, c’est une approche inédite de l’économie du développement.
Dans les années 1980, il travaille en Inde avec l’économiste Jean Drèze, bien connu pour ses activités dans la lutte contre la pauvreté. Le premier hommage rendu de Deaton à la remise de son prix sera pour un collègue indien. Dans cet immense pays, il y aura réuni des milliers de données sur la consommation des pauvres, cherchant à savoir pourquoi, par exemple, une aide sociale octroyée à la femme plutôt qu’à l’homme au sein d’un ménage, aura des conséquences différentes.
Les travaux de Deaton ont permis le calcul du seuil de pauvreté par la Banque mondiale, qui détermine les possibilités de manœuvres des politiques publiques, il est passé de 1,08 dollar par jour à l’origine à 1,25 dollar en 2005 et 1,90 dollar aujourd’hui.

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Il y a une dizaine d’années, Angus Deaton s’est intéressé à la mesure subjective du bien-être. Au-delà d’un certain seuil de revenus, il n’y a pas de lien entre sentiment de bien-être et niveau de revenus. Comme quoi les riches transforment sans le savoir la satisfaction en ambition, ne goutant pas le plaisir « d’avoir », pour courir après ce qu’il souhaite et qu’ils n’ont pas encore.
Il reste à traduire en français un ouvrage qu’il a publié en 2013, « The Great Escape – Health, Wealth, and the Origins of Inequality » (La Grande Evasion : santé, richesse et les origines de l’inégalité). Il fait pendant au « Capital au XXIe siècle », de Thomas Piketty, analysant plus en profondeur l’histoire humaine. Il y prend note des progrès mais observe que tous les hommes ne bénéficient des progrès de façon égale ; ce qui creuse d’immenses fossés d’inégalités, fossés que le temps efface… jusqu’à la prochaine transition. L’humanité patauge actuellement au milieu de l'un d’entre eux depuis neuf ans.
Cette remarque d’un prix Nobel, ce qui n’est quand même pas rien, n’a pas l’air d’embarrasser les tenants du système économique embourbés. Évidemment, les structures bourgeoises sont toujours les ossatures de nos démocraties et il est toujours plus rentable aux personnels des partis embourgeoisés de poursuivre un chemin balisé par des gens comme Tirole, que s’aventurer sur quelque chose de nouveau avec des économistes comme Deaton ou Piketty, tant que l’information des citoyens sera manipulée par une presse de connivence.

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