Les fausses élites.
Le rejet des élites s’est généralisé dans le monde occidental. La détestation d’Hillary Clinton est l’unique motif qui a permis à Trump de faire illusion, au point d’avoir fait croire un moment aux Républicains, qu’il pouvait faire un président des USA. Hillary Clinton représente l’élite, celle qui sait tout, mais après les discours de laquelle on n’est pas plus avancé, mieux, qui laisse l’impression que l’on recule, qu’un être moins brillant, mais plus humaniste, aurait pu faire mieux !.
En Europe, c’est la même incrédulité qui s’est emparée des masses. On n’y croit plus. C’est au point que Paul Magnette, chef du gouvernement wallon, est devenu en huit jours extrêmement populaire pour avoir jusqu’à présent résisté à l’élite en refusant de signer le traité de commerce avec le Canada !
Est-ce que les dirigeants de l’Europe, enfin celle qui n’a jamais été soviétisée, se rendent compte que, quoi qu’ils fassent, ils ne sont plus crédibles ?
Pourquoi ce rejet des élites ? En partie parce qu’elles ne le sont pas dans la pleine assertion du mot. Il y a le côté physique, humain, de celui qui va au secours des autres et qui se porte toujours le premier quand il y a un danger à affronter. Qui ne voit que ce n’est plus le genre de ces premiers de classe ou de ces chouchous de parents influents et attendris, jeunes gens à séduction et ambition qui blanchiront sous le harnais au service d’eux-mêmes à défaut des autres.
Pourquoi Sarkozy et Hollande ne seront plus jamais président de la République ? Parce qu’ils sont l’incarnation même de l’élite désapprouvée et honnie. Alors, qu’ils sont ni pires, ni meilleurs que les autres.
À Sarkozy on préfère un Juppé. Grande première de la République, on pourrait élire un ancien repris de justice et qui ne doit qu’à la mansuétude des juges – eux-mêmes l’incarnation d’une autre forme d’élitisme – de s’être tiré à bon compte de l’escroquerie à l’emploi, même s’il n’a été que le complice de Jacques Chirac. Pourtant, Juppé fait partie de la classe dirigeante détestée, mais il semble moins marqué que les deux autres. Je ne parlerai pas de la mésaventure de Cécile Duflot, à la quête des suffrages des siens et larguée par des militants à 41 ans, en raison d’une image usée par trop d’exposition médiatique. Compétente et résolue elle l’est… et les Verts ont voté pour deux inconnus à la recherche d’une virginité en politique que l’on ne trouve que dans l’inédit.
Il n’est pas dit que Di Rupo serait encore président du PS belge à l’heure qu’il est, si la présidence n’était pas cadenassée par les influents du parti qui forment une sous-élite au service de la première.
Charles Michel est le type même de la baudruche exhibée sur tous les marchés et qui passe dans tous les médias et qui finit par se faire une clientèle par l’habitude de le voir. C’est pourquoi, il est en grand danger de disparaître dans le lot des élites dont il faut se débarrasser, parce qu’il encombre. Il doit sa survie à la résignation des fervents d’un libéralisme qu’on agite encore comme un étendard et qui, dans les faits, n’est plus qu’une combine d’usuriers.
Ces grands commis de la démocratie se sont barricadés derrière les bienfaits d’un système qui prend eau depuis la fin du siècle dernier. Leur pensée unique est un terrible aveu selon lequel toute autre pensée est subversive et pourrait leur être fatale. Toutes les connaissances qu’ils ont accumulées, de leurs études à la prise du pouvoir, n’ont servi qu’à la construction personnelle d’une carrière.
Une pensée unique est une pensée eunuque.
Ce sont de faux intellectuels, parce qu’ils ne s’interrogent jamais sur les possibilités de conduire le monde autrement. C’est un aveu de leur incapacité intellectuelle à changer le monde, ce pourtant dont ils sont dépositaires devant l’opinion publique.
Ce sont de mauvais commerçant qui se contentent de gérer un fonds de commerce qu’ils ont reçu de l’ancienne génération, sans se poser la question de savoir si ce qu’ils vendent est utile et fait l’objet d’un marché équitable.
Cette élite, prudente sur son mode de vie, fourmille de stars secrètes. Son train de vie dépasse de loin son utilité publique. La formidable récession qui accable le peuple ne les touche pas. Au contraire, ils ont réussi le tour de force de progresser en tirant leur prospérité de la misère des autres.