Revoilà les vipères lubriques !
Le refus de Paul Magnette de signer au nom du gouvernement wallon l’accord douanier Europe-Canada (CETA) a soulevé une tempête d’indignation parmi la presse et certains blogs. Au nom d’une majorité d’Européens, il aurait fallu que Namur délaisse le pouvoir d’approuver ou de désapprouver des accords internationaux que l’État fédéral fait en son nom, c’est-à-dire d’abandonner des droits au nom de la démocratie ? Pourquoi alors lui avoir concédé ces droits si ce n’était pas pour s’en servir ?
Justement, c’est là où les journalistes pro-gouvernementaux et les blogueurs assimilés se sont plantés. Ils imaginent un scénario grotesque : celui d’un veto possible des Régions inscrit dans le cadre du fédéralisme d’État, à seule fin d’avoir poussé à la réforme de la Constitution, ce pouvoir ne devant jamais être utilisé lors de traités engageant la Belgique à l’Europe !
Ces rêveurs debout en sont arrivés à parler de démocratie et un des pires d’entre eux n’a pas hésité à titrer un de ses articles « Les Francophones belges instaurent la dictature du prolétariat. »
Franchement, on peut être un fan de l’Europe, la prendre en vrac sans rechigner du moment qu’elle est libérale, bourgeoise et conservatrice, mais traiter la Région wallonne de bolchévique parce qu’elle use d’un droit légitime et inscrit dans la Constitution, c’est avoir le cerveau dérangé.
Par contre, on ne les entend guère sur le manque de démocratie d’un État dirigé par les droites, grâce à un seul parti francophone très minoritaire dans ce gouvernement.
Sur le fond, ce fameux traité personne ne l’a lu en entier parmi la presse et aussi du gouvernement, puisque la Région wallonne depuis son veto ne cesse d’accumuler les précisions, des textes remaniés et d’autres qui n’avaient pas été communiqués et qu’on fournit à présent avec empressement Alors oui, dans cette perspective, la gauche et l’extrême gauche ont raison et c’est une victoire de la démocratie de refuser à faire confiance « sans voir » un traité présenté par des dirigeants européens, dans lesquels une bonne partie des Européens n’a plus confiance.
Depuis la crise de 2008, l’économie va mal. La mondialisation est un désastre pour les peuples et les traités, au lieu d’améliorer le sort du plus grand nombre, ne font qu’accroître la pauvreté qui progresse.
Dans ce cadre, on peut quand même se méfier de tout nouveau traité légitimant des échanges commerciaux accrus, des suppressions de droits douaniers, d’internationalisation des métiers à des concurrences inédites.
C’est quand même fort d’être traité de « bolchevik » quand on veut seulement arrêter l’hémorragie dans les emplois, stopper la baisse constante des salaires sous prétexte de concurrence mal venue, protéger ses petits agriculteurs et éleveurs et qu’on fait usage d’un droit inscrit dans la Constitution pour cela, afin de réfléchir à un traité dont on ne connaît pas les effets à long terme !
Quand je lis sous la plume d’un véritable malade mental que le refus de Magnette « est brandi, au contraire, par des partis de gauche comme une victoire de la démocratie, alors que c’est plutôt une piqûre d’arsenic en plein cœur de celle-ci. », on se demande où est l’excès ?
Mais ce n’est pas assez de décréter que la Région wallonne est le refuge de fous furieux, d’autres journalistes avec l’agité du bocal veulent tout simplement supprimer le droit de veto des États de l’UE ! On voit d’ici ce que pourrait faire de l’Europe un Juncker, digne successeur de Barroso, ce dernier se faisant des couilles en or chez Goldmann-Sachs, s’il n’était freiné dans sa course au libertarianisme dans lequel on finira par sombrer, faute de résultat par l’échec d’une croissance définitivement en panne.
En niant que les plus faibles puissent s’exprimer au même titre que les plus puissants dans cette Europe mal en point, déliquescente et sans armée, attachée aux basques des États-Unis, ces journalistes risquent d’arriver à ce qu’ils souhaitent le moins, un régime fort non-démocratique (sauf s'ils ont des intentions cachées) !
Que ces Cassandre se plaignent des règles, d’une Europe mal fichue, d’un État minuscule comme le Luxembourg et bientôt sans doute d’une Wallonie confédérée, à égalité avec la Grande Allemagne, cela me rappelle de bien mauvais souvenirs, celui d’Adolphe voulant fédérer l’Europe et y ayant presque réussi pendant cinq ans.
Attention ! C’est l’extrême gauche et les communistes qui ont fourni le gros des Résistants à la dernière guerre mondiale, mais si vous voulez qu’ils protègent encore un peu l’État bourgeois selon vos vœux, il ne faut pas trop les insulter en attendant.