De Mélusine à Delusinne...
Suite à l’arrivée de TF1 sur le marché publicitaire belge, Monsieur Delusinne, porte-parole de RTL, n’est pas cohérent ni avec lui-même, ni avec le système économique qu’il défend de toute la force du média qu’il contrôle.
En voilà encore un qui s’est voué à la liberté d’entreprendre et qui hurle aux loups dès que la liberté d’entreprendre s’attaque à sa propre entreprise et convoite ses recettes publicitaires !
Les voilà bien les tenants du système, tous les mêmes, de l’entrepreneur au harangueur de nos inamovibles partis (1), pour l’ouverture des frontières et des marchés ; mais farouchement pour une économie contrôlée et protectrice dans leur secteur.
Cette proverbiale façon de la paille et de la poutre, s’est encore vérifiée la semaine dernière à l’annonce de la mort de Fidel Castro.
On a même vu un chroniqueur sur Internet complètement déchaîné sur le passé « monstrueux » du successeur par les armes de Batista (l’ancien dictateur avait fait de l’ile un vaste bordel pour américains fortunés). On veut bien croire que ces moralistes sont sincères, mais quel aveuglement, quel mépris de la relativité des événements, quel glissando inélégant sur les monstruosités du système capitaliste qui est tout doucement en train de creuser notre tombe à tous !
Certes, Monsieur Delusinne en qualité de mandataire d’une chaîne de télévision à l’influence énorme dans ce pays, n’a pas les outrances du pourfendeur de Fidel Castro, mais il n’en demeure pas moins vrai, qu’il doit avoir comme tous ses pareils une conscience à géométrie variable, en raison des recettes et des dépenses.
Son appel au secours, dans un entretien accordé à L'Echo, est pathétique. « L'arrivée de TF1 sur le marché publicitaire belge pourrait menacer tout l'écosystème médiatique francophone. » Cette vision apocalyptique a au moins le mérite de dévoiler au grand jour l’aspect commercial crucial de cette chaîne, complètement dépendante des gros annonceurs et donc, finalement, indépendante de rien !
Et de poursuivre "Si TF1 arrive, nous allons devoir revoir notre business model. Cela veut dire que ce qui est monétisable auprès des annonceurs, comme les séries US, resterait et que ce qui n'est pas monétisable et qui coûte cher en production, comme les news et les émissions politiques du dimanche, pourrait être réduit, tout comme les productions propres".
C’est on ne peut plus clair. Le fric des annonceurs permettait à quelques petites œuvrettes belges d’être subventionnée par des marques de soutien-gorge et des fabriques de meubles. Ce n’était pas déjà jojo, mais ce qui attend le téléspectateur, de ce qu’on tire de la déclaration de Delussine, RTL pourrait ne faire dorénavant que de la merde importée des USA (merci déjà pour les programmes de séries policières).
Quant à ce qui reste d’émissions pseudo d’actualité, nos vaillants thuriféraires du dimanche de la vie bourgeoise pourraient se reconvertir dans l’animation de grands magasins, ce qu’ils font presque déjà.
Au cours de cet entretien à l’Echo, Monsieur Delusinne admet indirectement que la RTBF est moins dépendante des annonceurs et, par conséquent, plus libre de propos, parce que subventionnée par les sous des citoyens.
Par exemple, l’émission « on n’est pas des pigeons » (RTBF) des fins d’après-midi en semaine, on ne la verra jamais sur RTL qui fait de la réclame et pas de la critique. Cette émission tout à fait remarquable d’« on n’est pas des pigeons » par sa liberté de propos et sa totale franchise, justifie amplement les services publics et condamne les formules libérales dans un domaine sensible entre divertissement et information.
Delusinne craint un monopole d’État de la RTBF si RTL pour survivre ne fait plus que de la merde. Il n’est pas dit ! RTL a déjà tellement habitué le téléspectateur à préférer la merde aux programmes intelligents, qu’on se demande si Delusinne n’est pas trop alarmiste.
Le reste de l’entretien sombre dans le travers habituel du chantage sur le personnel de RTL, déjà si maigrichon qu’on se demande si les pâles créatures qui tremblent de perdre leur emploi, ne retrouveront pas à la suite de cette fâcheuse perspective, les qualités de journaliste qu’ils avaient perdues sur la chaîne de Messieurs Delusinne et consort.
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1. Le cordon "sanitaire" autour du Vlaams Belang et peut-être demain autour du PTB !