La gauche, c’est quoi ?
Depuis que le MR processionne du côté des Michel au Premier mai, on peut se poser la question et, en même temps, se demander si je me proclame de gauche et que les thons qui festoient sous la tente à Jodoigne ce jour là en sont aussi, qu’est-ce que la gauche et est-ce que j’en suis ?
Par contre si Mélenchon en est aussi pour la France et que le Dr Sofie Merckx pour la Belgique s’en réclame, alors, oui, je suis de gauche et j’en suis fier.
Il n’en demeure pas moins que poser une telle question signifie que la frontière entre la gauche et les autres partis est floue. Par exemple Écolo, est-ce que ce parti est de gauche comme il s’en réclame à chaque fois qu’il en a l’occasion ? Je ne suis pas qualifié pour trancher. Les discours des personnages qui se disputent les premiers rangs de ce parti sont contradictoires et dès que l’on quitte ce qui relève du climat, l’alimentation bio et nos rapports avec la nature et les animaux, un doute supérieur plane sur toute spéculation, comme dirait Malebranche.
C’est évident : la gauche est en crise, pas seulement en France où le PS balance entre s’affirmer de gauche et se revendiquer du centre, un peu à l’image du PS de Di Rupo en pleine crise avec Publifin, mais dans l’ensemble de l’Europe.
Il n’est pas facile de voir la frontière entre la gauche et les autres partis dans un monde ravagé par le terrorisme et confronté demain à Trump, après avoir vécu la chute du mur de Berlin, la destruction des tours du World Trade Center, et l’obsolescence du vote démocratique aux USA. Une poussée sans précédent d’une droite partout triomphante aboutit à des régimes anti-démocratiques et obscurantistes, comme en Turquie et les Balkans, à cela s’ajoute l’inconnue de la politique future de l’Amérique.
Dans sa recherche d’un consensus pour ramener tout à soi, Donald Trump pose quand même une question majeure qui touche directement la gauche.
Doit-elle prôner l’ouverture fraternelle à tous les peuples, comme ses principes et sa générosité le commandent ou sauvegarder une culture mixte droite/gauche, compte-tenu de la possible dévastation de notre civilisation, par l’immigration massive musulmane, la transposition de ses querelles en Europe et la geste criminelle de ses fanatiques ? C’est-à-dire seconder la droite dans sa décision d’arrêter le flux migratoire prioritairement ?
Cette question majeure n’est pas tranchée. La gauche temporise ou s’accorde à contingenter les flux. Agissant ainsi, est-elle encore la gauche ? En consensus sur ces questions avec la droite, même si celle-ci est plus radicale pour clore ou limiter à l’extrême le débit, fait-elle un pari honteux de cohabitation avec ceux qu’elle combat, pour refuser l’asile et la dignité à des populations poussées à bout par les guerres et les religions ?
Ainsi posée, cette question est nouvelle pour moi. Comment y répondre ? Je n’ai trouvé dans les lectures de mes maîtres : Marx, Engels, Sartre (et même R. Aron), Michel Foucault, Michel de Certeau, Louis Althusser, Jacques Derrida, Roland Barthes, Gilles Deleuze, Cynthia Fleury (1), aucune réponse qui corresponde au bouleversement actuel. Sinon que Malraux avait prévu cette recrudescence de va-et-vient guerrier du fait religieux et prédit l’hostilité des masses, par l’interprétation des prêtres à l’hostilité des Dieux. À ce propos, le livre récent de Michel Onfray, « Décadence », est un inventaire de deux millénaires d’exactions des hommes mus par la pensée religieuse.
Et après ? Je suis d’accord avec lui, mais encore, on fait quoi ?
Serait-ce opportun d’attendre une initiative d’un parti de gauche qui rassemblerait sur une position équilibrée, les principes et les circonstances ?
Etre de gauche, n’est-ce pas d’avoir hérité de l'histoire du socialisme, de ses composantes européennes d’abord, latino-américaine, ensuite. De comprendre de Robespierre à Lissagaray, Louise Michel et Trotsky, les soubresauts et les massacres, sans pour autant les justifier ! Mais c’est aussi l’espoir qu’un individu évolue et se transforme jusqu’à penser par lui-même et comprendre qu'il n'est pas le fruit d'une lignée d’hommes figés de tout temps ! Qu’ainsi, il ne peut admettre qu’on détermine sa place dans la société sans lui demander son avis, au nom des inégalités de naissance et de fortune.
Changer le monde en agissant sur le présent, telle est encore le marqueur de la gauche.
Finalement, la gauche ne serait rien d’autres qu’un état d’esprit qu’ont toujours contrarié les distinctions entre Blancs et Noirs, riches et pauvres, jeunes et vieux, beaux et laids, avec le sentiment que la finalité de l’humanité, ce n’est pas la culture du travail et l’amour de l’argent, mais la quête d’un bonheur passant par le respect et l’estime des autres.
Ce n’est pas de l’angélisme, c’est une question de survie, une manière d’être intelligente, la seule qui soit. On voit bien où conduit le chemin de traverse qu’emprunte l’Humanité, pour ne pas craindre le pire !
Reste que ma question est en suspens !
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1. Les Irremplaçables, Édit. Blanche, Gallimard, 2015.