Remboursez !
On oublie trop souvent le caractère intemporel de certains défauts, pour essayer de comprendre François Fillon, perdant toute retenue dans sa démarche de salarier son épouse, sur la dotation que lui octroyait sa fonction d’élu.
Ce défaut est tout entier dans « L’avare » de Molière. Il est difficile à un avare de repousser toutes les possibilités de se saisir des biens qui sont à sa portée. La raison que ce serait immoral, ne vient pas à l’esprit de quelqu’un qui aime l’argent, quand l’occasion se présente.
Tout Fillon est dans cette image de l’avare, dur avec lui-même, il ne résiste pas à l'attrait de l'argent, quelles qu'en soient les conséquences et les dangers qu’il encourt.
C’est probablement chez lui un élan irrépressible.
Vous remarquerez le dépouillement des vêtements de Pénélope, son épouse. Ce n’est pas la misère, mais ce n’est pas le luxe non plus. En hiver, ils doivent être chaud (sa veste bigarrée en grosse laine). En dessous, on dirait qu’elle porte un chemisier blanc de simple toile, qu’elle pourrait mettre en été.
C’est l’image de tante Yvonne (Mme De Gaulle) qu’elle projette.
Elle a probablement le même défaut d’avarice que son conjoint, sans quoi la vie en couple de ces deux-là serait impossible. L’est-elle devenue par goût naturel ou par amour pour François ? Ce détail est sans importance pour établir le profil de son parlementaire de mari.
Parce que Fillon n’est pas comme Guéant, Chirac ou Copé, il n’est ni fastueux, ni dépensier. Il a le goût du sacrifice, le respect du sacré et le maintien réservé. Son image est compatible avec celui de « l’honnête homme ».
Et pourtant il ne l’est pas ! Se rend-il compte de l’ambigüité de sa démarche ?
En un mot, il pourrait se croire sincère.
Et il l’est sans doute. Cette sincérité est confondante et le fait paraître hypocrite, puisque sa conduite ne correspond pas à la personnalité que les journaux dévoilent.
Sans doute bon époux, bon père, l’achat d’un château fait partie de son désir de posséder des biens, solides comme les tours de son domaine.
C’est l’avare paysan, fier de la moindre motte de gazon, « sa » motte de gazon.
Sa soif insatiable d’argent et de biens, il la met sous une dalle, laissant au grand jour sa vision politique du devoir et d’honnêteté de l’élu.
Son programme dur, insensé, 500.000 fonctionnaires en moins, une austérité accrue, est à son image. Il n’a pas vu qu’il se dépeignait dans son implacabilité, qu’il se mettait en scène et même, se caricaturait.
On ne sait pas comme la justice saisie voit la suite de son enquête. Le juge d’instruction a le pouvoir de le désintégrer en plein vol, en le mettant en examen. Il ne le fera probablement pas. Marine Le Pen tire déjà un bénéfice de ce fait-divers. Les dégâts collatéraux s’étendent jusqu’à faire profiter Macron, Hamon et Mélenchon.
Si Fillon est un avare compulsif, comme je le crois, après avoir nié l’évidence, accusé la presse de dénigrer le rôle de sa femme dans un travail d’assistante parlementaire, il pourrait se réveiller un jour avec une vision plus réaliste de ce qu’il a fait, du drame dans lequel son amour de l’argent a plongé sa famille, de l’exposition devant les médiats de Pénélope. Il l’a entraînée dans une complicité dans laquelle la malheureuse n’y est probablement pour rien.
Les amis de Fillon, sa clientèle au sein du parti LR, tous se mobilisent. Les faits fragilisent leur sollicitude. Le récit des témoins convainc de la vacuité du travail de Pénélope. À l’heure actuelle, il ne faut pas trop en remettre, sous peine de se fragiliser soi-même. NKM devrait en tenir compte.
Enfin, qualifier de « boules puantes » une évidente dérive de l’usage de la dotation parlementaire, c’est oublier que Fillon lui-même a toujours porté si haut sa vision de l’État qu’il a déjà dénoncé des agissements similaires aux siens et notamment pressé Juillet, le secrétaire général de l’Élysée, d’accélérer la procédure dans une affaire où Sarkozy était cité.
Voilà un personnage de Molière avec Harpagon, de Balzac avec Goriot et Molineux, et de tous ceux qui, dans les sphères de pouvoir privées et politiques, suivent leur penchant pour l’argent, dans une société où la justice ne joue son rôle que contre les petits.