Rousseauiste malgré tout.
Bien sûr, c’est facile de reporter sur les seules têtes des dirigeants les fautes qui accablent la démocratie. Ils sont ainsi faits parce que nous les avons mis en état de nous piéger et de contourner les règles pour une bonne gouvernance.
Les torts sont partagés. J’ai participé dans un collectif électoral à les mettre dans une position favorable. C’est humain qu’ils en profitent et encore plus humain qu’ils en abusent.
La démocratie s’est adaptée au système économique. Ils essaient de rentabiliser au maximum leur travail et ils sont dans une position pour le faire, bien meilleure que la mienne.
Nous agitons sans cesse le spectre de la morale, du civisme, des valeurs humaines, alors qu’ils sont comme nous qui n’avons que le profit en tête et l’amour de nous-mêmes.
Comment peut-on imaginer une démocratie à l’instar de celle de Platon dans un environnement où la loi est celle du commerce et l’exploitation sous toutes ses formes, de la nature et de la personne humaine ?
Loin des boules vertes ou rouges du Fernandel bruxellois (Deborsu), un vrai intérêt des citoyens, sur les questions essentielles qu’ils se posent, démontre qu’une majorité de Belge pense que la démocratie fonctionne mal. Parmi celle-ci, une part non négligeable considère qu’elle n’est pas irremplaçable.
Évidemment dans ce dernier cas de figure, un méli-mélo de propositions assez farfelues couvrent l’éventail des opinions, des extrêmes aux centristes. D’autres alternatives existent-elles vraiment ? Là est la question.
La défiance vis-à-vis du régime étant en nette progression, il serait temps d’y réfléchir.
Une première remarque, si c’est remplacer les Narcisses qui nous dirigent par des Narcisses qui nous commandent, cela pourrait plus mal finir encore que cette aventure-ci.
Dès le départ le débat est faussé. Nous votons pour des personnages qui se sont mis en évidence, ont joué des coudes et, finalement, sont tombés dans le portrait charge qu’en fait Paul Valéry « Ce ne sont pas les meilleurs qui réussissent mais les pires ».
Ils se prétendent au contraire les seuls à toujours avoir raison et capables de nous sortir de nos angoisses.
En définitive, ils ne servent à rien d’autres qu’à nous distraire. Ce sont nos danseuses, nos geishas que nous surpayons jusqu’à ce qu’ils ne nous amusent plus. Comme ils tiennent à leur place, ils nous deviennent odieux. Dès que nous voulons nous en séparer, ils s’accrochent.
Comment imaginer une démocratie sans corruption ? Comme cette corruption est constante, que l’élu soit surpayé ou sous-payé, comme on n’a jamais essayé de le sous-payer, essayons de réduire ses émoluments, ainsi nous ferons partir du pouvoir les fastueux et les intéressés. Au moins verrons-nous de nouvelles têtes, tout en s’en méfiant, puisqu’on ne peut pas connaître toutes les arnaques, les clés du coffre donnent de l’imagination au gardien.
Trois scénarios alternatifs sont possibles : un gouvernement « technocratique » composé d’experts non-élus, sorte de fonctionnaires chargés d’appliquer le cahier des charges élaboré par les citoyens ; un gouvernement « autoritaire » dirigé par un chef élu par le peuple avec une équipe minimale ; un gouvernement « participatif » composé de citoyens volontaires ou tirés au sort sous la surveillance et par la consultation des citoyens.
Il n’y a pas de quatrième possibilité dans l’état actuel des choses.
Une majorité se dégage (par sondage) pour un gouvernement participatif (troisième proposition).
Le hic tient dans l’organisation d’une démocratie participative, au lieu d’une démocratie par délégation, celle que nous rejetons aujourd’hui.
Il y a d’abord l’énorme frein de l’appareil politique qui se nourrit du système actuel. Comment pourraient-ils admettre de se désister, ceux qui font les lois qui leur permettent de vivre au-dessus de la condition moyenne de leurs concitoyens ?
La rupture entre le peuple et les élites pose la question de la mainmise des experts et des élus sur le débat public. Comment faire de la politique en-dehors d’eux ?
La démocratie participative tant qu’on veut, mais qui va mettre en place cette démocratie participative, sinon « d’autres élites » ?
J-J Rousseau y avait pensé avant nous. Il avait au Siècle des Lumières déjà formulé la grande tâche de la politique à venir : articuler l’autonomie des individus et la puissance collective.
Ce n’est pas mon intention de refroidir les ardeurs pour le changement, qui dans le fond est nécessaire, mais du XVIIIme siècle à nos jours, un facteur est intervenu. Le système économique a corrompu aussi mais de façon moindre, toutes les couches de la société civile.
Si les gouvernants sont corrompus, c’est parce que je le suis aussi.
Il faut logiquement que je m’évertue à d’abord éliminer en moi le goût que j’ai de l’économie capitaliste. J’avoue, depuis que j’y pense, ce n’est pas facile.
Un petit profit est légitime pour le travail que l’on fournit. Un gros profit est un vol. D’accord.
Encore faut-il s’entendre sur ce que travailler veut dire. Il y a trente six manières de rétribuer le travail. On en est arrivé à rétribuer l’argent lui-même et à honorer le « travail » du rentier !
Tous plus ou moins voleurs et délinquants en puissance ?
Aujourd’hui, c’est la révolte des petits voleurs contre les gros… il y a un peu de ça !...