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Invectives et fausses raisons.

L’affaire est entendue. Le débat de mercredi soir est sans appel. Marine Le Pen ne peut pas être présidente de la république parce que son programme est bidon, ses approximations trop grandes. Sa connaissance des dossiers se résume à des slogans et à des incantations à caractère propagandiste. Le tout à présent est d’empêcher qu’un tel désastre n’aboutisse à se concrétiser. Et je passe sur ses dénigrements permanents qui tiennent lieu d’arguments, ses attaques sur la personne de son vis-à-vis, ainsi que sur la manière, bien digne de son père, de traiter par-dessous la jambe des problèmes d’une gravité extrême, comme si elle était à un guéridon du Café du Commerce !
Je comprends les hésitations des Français qui avaient décidé de s’abstenir et qui à présent voudraient aussi marquer leur complète désapprobation du clan Le Pen, par un vote de « sécurité » pour éviter de la voir à l’Élysée.
Ils seront donc, après ce mercredi, plus nombreux à voter Macron, la mort dans l’âme et hantés par le spectre possible d’une présidente Front National.
Ceci posé, Macron fait également peur, mais pour d’autres raisons.
Je ne suis pas qualifié pour jauger des réformes proposées, elles n’amélioreront pas la condition de la France qui se lève tôt pour aller au travail ou pour en chercher.
Je ne peux alimenter ma réflexion que de la critique des philosophes qui ont fait Macron.
Macron, avant d’être banquier, s’était frotté à John Rawls (la Théorie de la Justice, 1971).
Dans ses discours, on perçoit une influence du philosophe américain, mort en 2002 à l’âge de 82 ans.
Rawls est un théoricien parmi les plus influents du capitalisme moderne.
Personne n’a inventé la mondialisation, ce sont les progrès en matière de transport qui sont les facteurs déterminants de cette mondialisation. Pourtant les « mondialistes » disposent de l’arsenal de tous les penseurs économico-philosophes tels qu’ils apparaissent dans le champ de ruine de l’Europe sociale et dont Macron se nourrit.
La thèse de Rawls est la suivante « une société doit être juste avant d’être égalitaire. »
Aussi lapidaire que cela paraisse, cette idée fondatrice contient en elle une contradiction. Une société, pour qu’elle soit juste doit être égalitaire, à tout le moins savoir qu’elle ne l’est pas et y tendre par des objectifs d’égalité.
Tout le travail consiste à définir une société juste, en limitant le principe d’égalité à son désir.

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La mondialisation est aux antipodes de l’ébauche même d’une société juste.
Je n’ai malheureusement pas lu les répliques de Nozick, Walzer, Sandel au travail de Rawls. Par conséquent, mes critiques sont personnelles et n’ont rien à voir avec les courants libertariens et communautaristes, ces voies empiriques du libéralisme actuel.
Je passe sur les méthodes utilisées par l’auteur pour hiérarchiser les principes de justice, entre « celui qui a fait ses preuves », à celui qui propose que “Chaque génération doit disposer de ressources à peu près égales”. D’accord sur ce dernier point, sauf qu’une génération ne signifie rien, puisqu’elle englobe toutes les composantes de la société. C’est ainsi, par exemple que la mondialisation a accru la production de biens et donc de richesses, est-ce pour autant que cette génération plus riche ait développé « à peu près de ressources égales entre ses composantes ? », certainement pas.
On en vient donc aux inégalités sociales et économiques. Elles doivent être nuancées de sorte qu’elles servent aux moins favorisés, et qu’elles soient ouvertes à tous dans des conditions d’égalité des chances, écrit Rawls.
Macron entend donc « nuancer », ce que les Lois font déjà dans toute démocratie. Quant à ce qu’elles soient ouvertes à tous, la société actuelle s’est ingéniée à la rendre impossible !
Le président Macron va vite se trouver au pied d’un mur infranchissable.
Rawls fait l’impasse sur la justice en tant que vertu individuelle, Macron aussi.
On en revient à la controverse classique d’une gauche contre la droite. Une société est juste parce qu’elle traite ses citoyens sans partialité et de manière équitable. La politique n’est réellement de progrès que lorsqu’elle pourvoit aux conditions d’une cohabitation légitime. La politique perd tout sens lorsque les citoyens renoncent à chercher comment il convient de vivre.
C’est là le point sensible et la limite de la société capitaliste et son infériorité à tout concept collectiviste, pour tout autant que cette société ne soit pas le paravent d’un pouvoir absolu contradictoire.
Le libéralisme donne une image vraie et effrayante de ce que l’homme est devenu.
Macron, en s’inspirant de Rawls notamment, n’est pas le président d’un compromis socialement acceptable, mais l’homme d’une idée éthique minimale, c’est-à-dire acceptable par une majorité dont il serait le chef.

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