Scandale !
La Belgique se distingue parmi tous ses partenaires européens comme étant la plus indulgente au niveau de sa justice à l’égard du pouvoir politique.
Il faut remonter à l’Affaire Cools pour avoir eu droit à quelques fortes amendes et de prison avec sursis, si l’on excepte Vanderbiest et ses séides, mais il y avait mort d’homme.
Pourtant les prisons regorgent de détenus dont une partie conséquente est soupçonnée d’avoir commis à peu près des faits identiques à ceux qui sont impliqués dans le Kazakhgate et dans quelques autres combines, mais c’était des malversations dans le privé.
Passons sur l’immunité parlementaire, loi d’un autre temps et qu’une procédure allégée pourrait, en attendant sa suppression, calmer les esprits dans l’opinion publique échauffée par les excès de ses mandataires.
Des lenteurs suspectes, des consignes de silence et des embrouillaminis volontaires noient l’affaire du Kazakhgate dans ce que l’on pourrait appeler « le brouet belge » moyen de laisser le crime impuni dès qu’il atteint la notoriété et l’honorabilité d’une personnalité « hors de doute ».
C’est ainsi que d’une « grande » info à l’autre (la dernière en date est l’élection en France d’Emmanuel Macron), on saute le suivi d’une affaire belge gênante, sinon on la relègue en trois lignes au fin fond de l’information.
On n’a pas donné assez d’éclairage au dernier témoignage en date devant la commission du Kazakhgate de l’ancien ministre de Nicolas Sarkozy, Claude Guéant.
Or, une note manuscrite de Claude Guéant accable Armand De Decker.
Il a bien rencontré Armand De Decker fin février 2011.
Claude Guéant a bien envoyé, en août 2011, une carte manuscrite mentionnant le « magnifique travail » d’Armand De Decker.
« Cher Damien, j’ai eu A. De Decker au téléphone. C’est vrai que lui et son équipe ont fait un magnifique travail qui ne peut que servir les intérêts de la France… Mon souci maintenant est très prosaïque : c’est que les avocats qui ont travaillé pour Chodiev soient maintenant rémunérés… Pouvez-vous toucher ou faire toucher Chodiev ? Amitiés, CG » (Le Vif-L’Express).
La suite, on la connaît, la somme exorbitante versée à De Decker pour avoir été le conseil du milliardaire kazakh, les fulgurants effets d’une loi faite sur mesure touchant à la transaction pénale, impliquant directement ou indirectement quelques ministre et parlementaires comparses, mouillant gravement le parti de Charles Michel.
On bute encore sur un nom dans la partie de carte, un jeu de bridge joué à quatre entre Patokh Chodiev, Alexandre Machkevitch, Alijan Ibragimov, inculpés en Belgique pour association de malfaiteurs et blanchiment, dans le cadre des transactions immobilières, reste à trouver celui qui a pris la main du mort ? Serait-ce Didier Reynders, familier de Nicolas Sarkozy, et vraisemblablement renseigné à sa source de la fine manœuvre ?
Se rend-on bien compte dans l’opinion qu’une partie de tout ce beau monde touchant plusieurs cabinets ministériels du gouvernement Leterme, Di Rupo et Michel est, non seulement en exercice, mais instrumente l’austérité en 2017 de la population laborieuse, selon le plan libéral d’assainissement des finances publiques !
Ainsi, on sait aujourd’hui que « la France aurait fait pression sur la Belgique, en particulier via le cabinet de Didier Reynders (MR), alors ministre des Finances, pour faire en sorte que Chodiev soit débarrassé de ses ennuis judiciaires. La loi sur la transaction pénale aurait été l’outil idoine, que c’est bien le cabinet Reynders qui a mis la loi controversée sur la table du gouvernement. C’était lors d’une réunion d’experts à laquelle il participait et qu’il situe au 31 janvier 2011. De facto, le cabinet Reynders en faisait une priorité en liant un accord sur la levée du secret bancaire à un accord sur la transaction. Ce "couplage" sera validé par le Conseil des ministres du 3 février 2011 et le débat sur les textes renvoyé au Parlement. » (Le Vif-L’Express).
Après cela, tirons l’échelle.
Le pouvoir rend fou, disent les spécialistes. Avant tout, il rend les responsables malhonnêtes. Certes, pas tous. Mais quelques-uns cèdent au besoin de croire qu’ils sont quelque chose parce qu’ils gagnent beaucoup d’argent.
Nos « fondés de pouvoir » honnêtes ont tort de les protéger, d’élever des barrières entre eux et la réalité judiciaire. Et nous, nous avons tort de nous aplatir devant leur autorité, de croire qu’ils nous sont supérieurs parce qu’ils ont le bon tuyau, la bonne combine, qu’ils distraient le badaud par leur faconde, par leur esprit et leur capacité à nous regarder droit dans les yeux sans rougir de honte.
On nous distrait en nous laissant croire que la place des voyous, c’est la prison. Pas tous. L’autre semaine, Vrebos en interviewait un sur RTL. Il avait l’air florissant, sûr de lui et ma foi il faisait très honnête homme. Je suis certain qu’on le reverra encore, que son succès est assuré.
Voilà leur force, ils finissent par croire eux-mêmes qu’ils ont de la vertu et qu’ils se dévouent pour la bonne cause. C’est ça la classe dans la hiérarchie de la crapule !