Frustration.
Une des conséquences de la mondialisation aura été la généralisation des bas salaires. Miss May peut s’enorgueillir en Angleterre du taux de chômage le plus bas d’Europe. C’est à la technique "zero hour contract", littéralement "contrat zéro heure", qu’elle le doit en fabricant des travailleurs pauvres au lieu de chômeurs pauvres.
Le gros de la population européenne est entré dans l’ère de l’égalisation par le bas de tout qui procède d’une qualification ou non, pour « sauver » le patronat occidental concurrencé par le patronat extrême-oriental !
On est en train de fabriquer une génération de frustrés dont les premiers effets tombent sur les personnels politiques de la démocratie.
La philosophie entend par frustration, un acte privant quelqu’un de ce qui lui est dû.
Il est devenu insupportable que les personnels politiques vivent toujours avec les salaires et indemnités de l’ancien régime, quand leurs administrés retombent dans l’indigence du travailleur de 1900.
Si les bas salaires sont la conséquence de la mondialisation, il est logique que l’excédent de profit aille dans la poche des employeurs, dans la mesure où ils sont suffisamment gros pour ne pas être eux-mêmes rackettés par des entreprises multinationales. Il serait donc naturel que les travailleurs se défendent en renforçant les actions syndicales et adhérent à des partis défendant ou supposés défendre leurs intérêts.
Or, on assiste à la dénonciation des personnels politiques, plutôt que patronaux. On accuse les premiers d’avoir cédé aux ukases de l’économie de marché en aidant le patronat à se débarrasser de charges jugées trop lourdes en taxes diverses, mais encore en hauts salaires.
On sait ce à quoi l’état de besoin permanent des travailleurs pauvres conduit : la critique systématique du système économique exercé dans le cadre du régime démocratique, mais on ne s’attendait pas qu’ils critiquent en premier lieu, les personnels politiques qu’ils accusent d’être de connivence avec le système économique.
Ce qui est particulièrement devenu insupportable aujourd’hui de nos élus, encore plus que les indemnités jugées trop élevées, c’est l’à-côté à la fois légal et scandaleux des indemnités annexes, présences dans des conseils d’administration mixtes bien rémunérées pour pratiquement aucun travail, n’exigeant aucune formation, emplois de complaisance et renvois d’ascenseur entre membres de partis, cousinage et copinage, sens de la famille des élus, etc. Ce qui ne se pardonne plus du tout est pire encore. Ce sont les dessous de table, vol simple ou qualifié, passe-droit rémunéré, absence de scrupule, immoralité, concussions diverses, malversations et prévarications aggravées.
Bien finie l’idée que voler l’État, ce n’est pas voler, mais récupérer une partie de ce qu’il nous prélève exagérément.
Tout le passif impuni des années glorieuses n’a pas produit autant d’effets sur la population qu’une seule affaire comme celle d’Armand De Decker ou celle de la gestion des Intercommunales wallonnes.
Le discrédit profond qui touche la classe politique est tel que pour seulement enlever un doute sur la malhonnêteté générale des personnels politiques, il faudrait que les trois quarts des parlementaires dégagent et que les nouveaux retranchent fortement de ce qu’ils perçoivent de l’État au-dessus d’un salaire moyen, pour exercer leur mission.
La population émet des doutes profonds sur la capacité des personnels politiques de faire ces « sacrifices » spontanément et sans barguigner.
Cette frustration va donc s’amplifier à l’avenir.
Qui ne voit sur quoi nous allons déboucher !
Un État fort, s’appuyant au nom de la menace terroriste, sur des polices et une armée renforcée.
Un régime politique qui bascule dans un autre à la faveur d’événements intérieurs, on a déjà connu ça par le passé.
Sauf qu’ici, on se gargarise encore d’étiquettes, de démocratie et de falbalas dans un pays d’opérette à cinq gouvernements.
On n’est pas sorti, ni de la frustration générale, ni des faux-semblants politiques.
L’avenir est à la paupérisation, les autos-pompes, les gaz lacrymogènes, la matraque électrique et l’interpellation des groupes suspects.
Sauf force de caractère et volonté d’en sortir par le haut, le peuple est mal barré…