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Conserve flamande, mise en boîte wallonne.

Ce que Benoît Lutgen est en train de faire est, ni plus ni moins, le passage du centre-gauche au centre-droit, à la Région Wallonne.
Cela n’a l’air de rien, mais ça implique beaucoup de choses et notamment un changement de pied par rapport aux élections régionales précédentes.
Ce n’est pas que je porte particulièrement le PS dans mon cœur. Je l’ai suffisamment dépeint dans ces colonnes comme une erreur de casting de l’idéologie socialiste. Seulement, ce parti avait de beaux restes, que défendaient d’ailleurs quelques élus restés socialistes. Dans la mouture Châtel-Lutgen, ces petites choses qui rendaient encore la vie supportable à quelques-uns vont évidemment disparaître.
Le staff directionnel du MR n’a-t-il pas soufflé au petit Châtel qu’il ne devrait pas y avoir l’épaisseur d’un papier à cigarette entre la politique Michel-De Wever au Fédéral, avec la future politique des Régions francophones ?
Charles Michel, dûment investi de la conduite des affaires de la Belgique par consensus avec la N-VA, a une vision du monde et un parcours dans nos relations internationales que l’on peut qualifier de social-libéral ou de libéral de centre-droit. Sous sa direction la Belgique apparaît comme le bon élève du capitalisme bien mondialisé, bien américanisé, bien Trumpisé qui a voté oui à Maastricht, oui au projet de «Constitution européenne», diablement atlantiste et active dans le domaine de la réduction de la dette au détriment du pouvoir d’achat, farouchement défenseur du commandement intégré de l’OTAN, etc. Par contre, toujours aussi dépensière dans l’organisation farfelue d’une Belgique à cinq gouvernements et à neuf Provinces, avec des privilèges et des mandats juteux d’une classe politique décriée par le MR, mais en même temps ancrée dans les mœurs libérales, comme l’épée Excalibur du roi Arthur dans la pierre de Jodoigne.

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Avec Paul Magnette, ce n’était pas la politique du grand soir, mais on ne se sentait pas trop les larbins de l’ordre établi par Angela Merkel et le pouvoir des grandes banques.
Certes, Elio Di Rupo avait déçu dans le gouvernement précédent, mais le PS n’était plus si certain d’épouser le néoconservatisme ambiant, devant la fracture sociale qui s’est aggravée ces deux dernières années et dont le MR et même le CDH n’ont toujours pas pris conscience. Pour être complet, la menace du PTB de tailler des croupières dans le corps électoral du PS aux prochaines élections n’est pas pour rien dans ce début de modification de la pensée militante chez les amis de Laurette Onkelinx.
Et voilà que Benoît Lutgen ouvre la boîte de Pandore, non pas à cause du couple diabolique Mayeur-Peraïta et du haut-le-cœur qu’il suscite, mais, on l’a su par la suite, du plongeon de son parti sous la barre des 10 % d’intentions de vote dans les sondages !
On avait déjà vu des acrobaties sans filet de Joëlle Milquet à la tribune du CDH, mais pas encore des sauts de l’ange qui font penser à un mauvais calcul de la longueur de l’élastique qui va finir par noyer Benoît dans la Semois.
À l’heure où l’Ardennais négocie avec le MR, le «néoconservatisme à la flamande», le gouvernement Michel distribue les clés d’un accord de gouvernement des Régions entre le petit Châtel et Lutgen.
C’est à prendre ou à laisser.
Voilà longtemps que la N-VA mène une action politique fondée sur la modification des fondamentaux idéologiques d’une droite belge en pleine crise existentielle.
Que Charles Michel s’y complaise pour des raisons narcissiques, libre à lui de suivre Bart De Wever sur les rives d’un Escaut transformé en Potomac de Washington.
Que le petit Châtel en soit contaminé et qu’il cherche à en métastaser Benoît Lutgen, c’est son affaire.
Qu’il veuille d’une épizootie du Nord transformer notre basse-cour électorale en un champ de carnage, voilà qui est différent et dépasse les combines de l’ex parti chrétien.
On verra bien si la résistance des Écolos et de DéFI à la dérive du CDH est réelle et durable.

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