Marche à l’ombre.
Dutroux est un cas d’école. L’opinion n’a que faire des lois et autres considérations des législateurs, des magistrats et des avocats.
Tout autre détenu aurait quitté la prison depuis longtemps. Pas lui ! Ce serait peut-être l’occasion de se demander pourquoi ?
Deux poids deux mesures en matière de justice, c’est bien connu. Dutroux est sur le mauvais plateau de la balance et il n’est pas près de passer à l’autre. Tout en faisant semblant de dédaigner l’opinion publique, la justice, au contraire, s’y soumet dans certains cas.
Les médias, chiens couchants des puissants, vont devoir ramer sec pour que l’opinion bascule et admette les normes de réinsertions, comme il est d’usage en justice, pour ce détenu particulier, si on le lui demande expressément.
Ce cas limite, cette monstruosité au sommet, a remis en question l’usage de la peine de mort. Dutroux a été condamné à mort dans l’opinion et, à mon avis, son avocat bataille inutilement pour la sortie de son client, après 25 années de prison.
La mémoire collective a été impressionnée par des faits qui ont valu la mise à l’ombre de ce qu’on ose encore appeler un homme, avec une vindicte comparable à celle des Juifs poursuivant Eichmann. Une fois l’SS capturé, Israël l’a pendu, ce que l’opinion a regretté ne pouvoir faire en Belgique avec Dutroux.
Il ne faut pas croire que sa complice, Madame Martin, se soit bien réintégrée dans la société. On ne peut pas avoir été ce qu’elle a assumé pendant tant d’années et s’en sortir sereinement, même s’il faut ne pas avoir du tout de remord pour survivre à ça.
Sa réinsertion à elle est tout autant un calvaire quotidien, aussi misérable qu’une détention.
Quant à Dutroux, il demeurera toute sa vie un homme socialement dangereux, capable de tuer, capable de refaire les mêmes monstruosités. Madame Martin, sans pygmalion et hors d’état de fraîcheur d’en devenir une complice amoureuse, est à peu près inoffensive.
Enfin, c’est ce que les gens comprennent.
Ont-ils raison ou tort ?
Le cas Dutroux relève autant de la psychiatrie que du droit pénal.
La Société a mis hors d’état de nuire des individus moins tarés que Dutroux en les internant à vie. C’est même assez définitif de se retrouver à l’asile parfois sans jugement, juste sur avis médical !
L’homme a passé des tests, défié les experts, prouvé qu’on peut en arriver à de tels forfaits tout en ayant la conscience de ses actes. Et ce serait 25 années derrière les barreaux qui seraient de nature à tout arranger ? On imagine 25 années de masturbations, dans l’attente de repasser à l’acte.
Et c’est cette effrayante image dont l’opinion se nourrit. Et, de vous à moi, elle n’a pas tort.
L’avocat Bruno Dayez qui commente avec Dutroux dans le parloir de la prison de Nivelles les bonnes et les moins bonnes raisons qui lui font croire que son client pourra un jour racheter une camionnette blanche et hanter les routes de Wallonie, faire du patin à glace dans les patinoires réservées à la jeunesse sportive, et – qui sait ? – renouer une relation torride avec une institutrice en mal de sexe et de perversion, n’a pas une vision sérieuse de la réalité.
Surtout, il ne sait pas ou il feint d’ignorer que la justice est le résultat d’une convention entre des citoyens « raisonnables », ce qui est un progrès par rapport aux lois naturelles de l’« œil pour œil, dent pour dent » qui consacrent toujours le plus fort.
L’opinion éprouve des difficultés à se rallier à cette convention. Elle conserve un faible pour le « dent pour dent », d’autant que « le plus fort », c’est elle. Elle n’est pas raisonnable !
Voulez-vous mon avis, moi qui suis contre la peine de mort, on aurait mieux fait de pendre Dutroux. Une solution qui aurait consisté à le faire vivre entravé dans une chambre capitonnée jusqu’à ce qu’il en crève, n’était pas digne d’une justice sereine et dépourvue de haine, l’intégrer dans une cellule à quatre détenus aurait été une manière encore plus horrible de le liquider par lynchage.
Qu’il reste là où il est, usant des deniers publics, plus que les détenus ordinaires. Qu’on n’en parle plus. Il a assez fait de dégâts comme ça.
Il faudra plusieurs générations pour qu’il disparaisse de la mémoire collective.
Autre recommandation, celle de disperser ses cendres dans l’anonymat. L’enterré quelque part induirait quelques cinglés à y faire des pèlerinages.