Une misère répertoriée.
Après avoir fait part de mon inquiétude hier, sur les intentions libérales de porter un coup bas aux petites pensions et, mieux encore, de raboter les taux des pensions de l’Etat qui touchent aux échelons inférieurs (les autres, celles des grands commis et des régimes parlementaires et mandataires divers ne seront pas touchés), il serait mal venu de ma part d’oublier ceux qui du chômage ou du régime maladie, chassés par d’autres mesures libérales, finissent dans les couloirs et bureaux du CPAS, à quémander une assistance.
Je ne voudrais pas jeter l’opprobre sur le personnel qu’on y côtoie, en général celui-ci fait ce qu’il peut, tout en respectant les consignes et les règlements, mais pour la plupart, vu le système de recrutement et le manque de formation, n’importe quel enquêteur digne de ce nom ne pourrait faire qu’un seul constat : l’accueil et le suivi des demandeurs sont une catastrophe dans la plupart des CPAS, surtout des grandes villes.
Vous remarquerez que les grands journaux prompts à enquêter un peu partout dans le croustillant qui fait vendre ne s’aventurent pour ainsi dire jamais dans ce secteur.
Comment on y recrute le personnel ?
Une de mes relations – je peux en parler attendu qu’elle a quitté ce bas monde – titulaire d’un master de l’ULg – s’était retrouvée sans emploi et dans l’attente d’un poste correspondant à sa qualification, elle avait accepté une mission de contact avec les demandeurs d’aide. Son rapport, après avoir servi de soucoupe de verre à champagne quelque part dans une administration, doit avoir été détruit depuis longtemps dans une déchiqueteuse à papier de la Ville de Liège.
Son jugement est sans appel. On y recrute n’importe qui, pour faire du n’importe quoi, à condition d’être très rigoureux sur les sommes accordées.
Les CPAS projettent deux images contradictoires. La première est celle de la bouée de sauvetage qu’on jette à quelqu’un qui se noie et à l’aide de laquelle il peut rejoindre la rive et se fondre dans la foule qui travaille. La seconde est le charnier que la société entretient pour y jeter ses déchets humains et qui est commode pour que les actifs n’entendent pas les cris des gens qui y crèvent !
L’employé a deux fonctions dont il s’acquitte à l’aide de schémas circonstanciés et des formules répétitives qui, à la longue, ne le touchent absolument plus pour la conservation minimale d’une empathie professionnelle.
Il doit être d’abord l’inquisiteur qui pose des questions indiscrètes pour monter un dossier complet. Il est redevable à sa hiérarchie de justifier les sommes qu’il concède. D’emblée, il est considéré par le demandeur, comme un employé hostile et sans pitié.
Ma défunte amie m’avait laissé entendre qu’il était impossible à un employé du CPAS de passer pour autre chose qu’un parfait salaud, après l’entretien et les formulaires à remplir. À la longue, cette fonction inquisitoriale décourage l’employé à montrer toute espèce de bienveillance pour le demandeur.
Comment avec un pareil préambule aborder la seconde phase du métier, c’est-à-dire donner de l’espoir à qui touche le fond et suggérer des pistes pour une reconstruction et une remontée sociale ?
Le moyen de ne pas se sentir rabaissé, humilié, découragé en sortant de ces officines des Villes ? C’est tout le problème dont tout le monde se fout, sauf ceux qui ont conservé la fibre sociale dans une société endurcie et corrompue par l’appât du gain.
Il existe même des types du genre Bacquelaine qui vous ferait croire que la société est victime de ces parasites et que s’il y en avait moins, vous pourriez plus facilement changer votre matériel Hifi ! Comme s’il n’était pas, lui, un super parasite, bien plus nuisible que tout ce qui existe en matière de parasitisme social.
Les victimes de cette démocratie n’ont guère de gens secourables autour d’elles, y compris parmi celles et ceux qui ont pour métier et pour devoir de leur venir en aide.
Il y a bien les organisations syndicales dont les délégués font office de thérapeutes. Mais là aussi, il y a des bureaux, des files d’attente et des réponses lénifiantes aux urgences de situation. En fin de compte, la plupart des chômeurs exclus et sans ressources quémandant une aide au CPAS de leur commune, ont le sentiment qu’ils ne sont que des numéros de dossiers, des êtres encombrants dont cette société n’a que faire.