L’illumination se soigne !
Après l’enterrement extravagant, il reste l’incontournable miracle de la fée électricité qui va, comme chaque fin d’année, tracasser ceux qui décorent, façon « nain de jardin » mais en plus kitsch.
Les mythes sont tenaces.
C’est à cause de ça qu’on ne peut pas nous confondre avec notre frère le chimpanzé. Faites l’expérience, essayez de prendre la banane qu’il a en mains, en lui promettant que s’il vous la donne, il en aura des centaines drôlement meilleures au ciel. Vous n’y arriverez pas.
Tandis que nous, tout de suite à sa place…
Donc ce mythe là, on y tient, mieux même que celui de Saint-Nicolas, trop européen du Nord et pas assez américanisé, pour les surfeurs du câble.
D’habitude, la débauche de câbles et d’ampoules est souvent le tribut des villages fleuris : les fleurs l’été, le kilowatt l’hiver, une sorte de course au soleil inter saison.
Il faut passer par Fitilieu pour le croire. Même moi, qui n’ai jamais mis les pieds à Fitilieu et qui n’ai aucune envie d’y passer, je crois ce qu’en raconte Christine Laemmel (Slate magazine) « Jean-Claude Guerguy est une célébrité à Fitilieu –commune de 1.800 âmes– et un habitué des journaux locaux. Dans son jardin de 2.000 m², il crée chaque année un véritable Disneyland de Noël, mêlant crèche géante, guirlandes lumineuses, girafe grandeur nature ou encore pirates et indiens. Oui, il y a de tout dans son décor, mais ça marche : 20.000 visiteurs déambulent dans la ferme en un mois. »
L’auteure, après son champion, a bien un Denis, mais celui-là à moins d’espace si bien que les voisins s’inquiètent, même qu’à un certain Noël, on a dû fermer la rue ! Avec 35.000 LED au compteur, il fonce aussi dans les décibels avec « Papa Noël, Reine des Neiges » et l’incontournable « Danse des canards ». Il cumule !
Il reste quinze jours au journal La Meuse pour trouver notre Jean-Claude, entre Coronmeuse et Barchon.
Modestes, on se contenterait d’un Denis.
Pour ma part, j’ai renoncé aux bois de renne et au bonnet rouge sommé d’un pompon, j’ai même renoncé à brailler avec tout le monde autour d’une choucroute. J’ai assez de souvenirs comme ça.
– Ouais, dirons ceux qui me connaissent, surtout ne l’invite pas. Il va plomber la soirée.
Il faut dire que j’ai fait le nécessaire pour entretenir cette légende. C’est la première fois qu’un apriori m’arrange bien.
– C’est cher, mais j’aime décorer mon sapin et faire de mes fenêtres des vitrines qui me rappellent le grand Bazar de la Place Saint-Lambert, ai-je entendu à Carrefour. C’est même à cause de ça, qu’on ne part plus en vacances, dit-elle, un soupçon de regret dans la voix.
On peut très bien ne rien faire à Noël et ne pas partir en vacances, parce qu’on n’en a pas envie et ressembler à tous ces gens qui voudraient à la fois fêter Noël et partir en vacances et qui ne le peuvent pas, ce qui est bien triste et en même temps « normal », dans une société aussi mal fichue que la nôtre où il faut toujours que quelqu’un souffre, pour compenser un autre qui prend son pied.
Spécialiste de la douche froide au mauvais moment, Richard III se devait de relever qu’aux États-Unis, des chercheurs ont calculé que les lumières de Noël consomment plus que l’Éthiopie en un an.
Les ampoules « basse consommation », LED, ont fait croire que cela devenait possible de faire son Jean-Claude, du coup, on rajoute quelques câbles et quelques dizaines d’ampoules. On aborde des thèmes à grand spectacle. Un autre emmerdeur que moi a pris le relais dans la débine : «Contrairement à ce qu’on pense, on a plus de pollution lumineuse avec les LED. Moins le kw/h est cher, plus les gens pompent.»
L’économie d’énergie ? Le père Noël, c’est l’anti Hulot ! Les Communes en profitent pour éclairer le moindre recoin, si bien que les amoureux qui n’ont pas de chez eux, sont bien embarrassés au moment des fêtes.
Pour que la société libérale borsufiée passe l’année tranquille, il faut qu’elle ait un mythe à partager avec les besogneux. À part quelques soubresauts, comme l’enterrement de Johnny, au cours desquels la religion reprend des couleurs, le mythe commun est la société capitaliste. Tous les autres systèmes proposés piétinent. Guy Gilbert, en blouson de cuir tournicotant autour du catafalque avait l’air d’un LGTB comme le Tout Paris devant lui.
La société du fric, c’est comme la croissance du PIB, il ne faut pas qu’elle s’arrête. Noël est l’occasion d’en remettre une couche.
Sinon tout part de traviole en des parties de bande mou. De la fiction, certes. L’essentiel est de faire croire que la merde est inodore, que c’est un produit porteur et de grande consommation. Comme il n’y a pas de plaisir sans TVA, on est bonnards !