Un sujet délicat.
Le raffut fait autour d’une réflexion spontanée, donc non calculée, de Brigitte Lahaye sur un plateau BFM TV, à propos des droits des femmes, "On peut jouir lors d'un viol, je vous signale", était à la fois inapproprié et incompréhensible.
Inapproprié, parce que le sujet n’était pas celui de l’orgasme féminin et incompréhensible, parce qu’il aurait mieux valu réfléchir sur l’à-propos de cette réflexion – puisqu’on ne pouvait plus l’ignorer – faite par une personne d’expérience pratique, ayant recueilli des confidences sur la question.
La chose dite, c’était trop tard pour une diversion. Ces quelques mots jetaient un trouble. On ne pouvait pas faire comme s’ils n’avaient jamais été prononcés.
Il eût été plus sage d’y aller carrément et de vider l’abcès, plutôt que s’indigner comme si c’était une insulte intentionnelle de la part de l’intéressée. Encore fallait-il pouvoir donner des explications à ce phénomène physique particulier survenant lors d’une agression de ce type. On trouve un phénomène assez semblable, volontaire celui-là, par la suffocation qui fit quelques morts dans le jeu du foulard l’année dernière, dans les écoles. Il est purement physique.
On ne le répétera jamais avec assez de force, un viol n’a rien à voir avec un simulacre de suicide. Ce n’est pas un jeu. C’est une agression criminelle. L’agressée est une victime et rien d’autre. L’agresseur doit répondre du crime qu’il a commis ou a voulu commettre.
Ce qui aurait permis d’enlever toute ambiguïté. L’acte en lui-même est avant tout un crime et celui qui le perpètre, un criminel.
La petite phrase de Brigitte Lahaye n’aurait eu droit qu’à deux lignes dans le compte-rendu d’un colloque entre scientifiques.
Pour en finir là-dessus une courte explication s‘impose. Il existe une association entre la satisfaction cérébrale de l’orgasme et sa satisfaction « mécanique ». Il se peut très bien que l’une et l’autre soit en symbiose. Elles peuvent tout aussi bien être dissociées. C’est cela que Brigitte Lahaye a voulu dire et qui a été si mal interprété. Le corps humain cache encore bien des mystères, et notamment celui-là. Une grande souffrance peut parfois être atténuée ou « oubliée » partiellement, par des sécrétions intimes en réaction instinctive.
C’est un peu ce que recherche l’acupuncture et la médecine traditionnelle chinoise, provoquer des réactions corporelles du patient afin de soigner le mal et la douleur dans sa conséquence.
Autre chose est le syndrome de Stockholm, puisque dans ce syndrome intervient le phénomène de la cohabitation forcée entre la victime et son bourreau, qui inclut des moments de vacuité aux cours desquels la contrainte disparaît aux yeux de la victime, au point de brouiller la perception de sa situation de dépendance.
L’erreur de Brigitte Lahaye est d’avoir mélangé les genres et produit de l’extravagance dans un sujet grave et extrêmement traumatisant qu’est le viol.
Elle a présenté ses excuses et c’est très bien ainsi.
Reste l’autre sujet des cent signataires de ce manifeste. Est-ce qu’importuner des passantes dans la rue, dans les cafés, dans les transports en commun, au bureau, enfin partout dans des lieux de mixité est un outrage ou un jeu « normal » de séduction ?
Il est bien clair et sans équivoque, qu’il faut dissocier, de ce qui précède, le frotteurisme qui est une agression.
Des femmes – dont Brigitte Lahaye – demandent que la "liberté d'importuner" soit préservée.
Il faudrait d’abord définir ce qu’on entend par « liberté d’importuner ». Dans une approche de séduction, où commence l’exagération ? Comment la distingue-t-on de la galanterie ? N’est-ce pas aussi en rapport avec la nature et la sensibilité de la personne favorable ou défavorable à une attention trop marquée ?
Comment draguer dans les limites de la bienséance. Ne pas tomber dans la vulgarité et l’insistance est sans doute la première condition. Malheureusement, ce siècle manque singulièrement de finesse d’esprit et ne met plus beaucoup d’intelligence dans la conversation. Les salons de Madame du Deffand ont été remplacés par des discothèques au bruit infernal qui suppriment toute possibilité d’une conversation subtile et édifiante en ce sens.
Parmi ces signataires du manifeste pour la liberté d’importuner, il n’y en a qu’une qui a dépassé les bornes et qui efface du coup Catherine Deneuve, signataire, en star de service coutumière de croire à une autre liberté que celle des féministes et Brigitte Lahaye, vedette du hard en pleine maturité, reconvertie en chroniqueuse à ne pas mettre dans toutes les oreilles, c’est Catherine Millet, qui avait déclaré en décembre dernier sur France Culture: "Je regrette beaucoup de ne pas avoir été violée parce que je pourrais témoigner que du viol, on s'en sort".
Voilà les seuls propos scandaleux qu’il faut condamner sans ambages et sans discussion. Oser croire qu’on s’en sort sans avoir jamais été dans le cas, ça fait penser dans un autre domaine à Charles Michel qui déclarerait s’en sortir avec 500€ par mois, sans jamais avoir connu la pauvreté.