Bart et Barthes !
Dommage qu’en Wallonie on ne publie pas plus souvent les discours et les choses dites entre deux portes de Bart De Wever, bourgmestre d’Anvers et président de la N-VA.
Chacun ferait ce qu’il veut de ce qu’il lirait. Avec une bonne traduction, on peut se faire une opinion. Par exemple que Bart est une sacrée girouette ou un sacré cynique !
En début d’année Bart déplorait le manque de communication entre groupes ethniques et entre gens de quartier. Il avait même employé le mot fort d’apartheid. C’était quelque peu exagéré, si l’on s’en tient à ce qui se pratiquait en Afrique du Sud avant Mandela.
Enfin, se disaient les humanistes, voilà un nationaliste flamand qui n’est pas contre une ouverture aux gens. Les homologues du journal La Meuse de l’autre côté de la frontière linguistique se firent un devoir d’interpréter la pensée du chef de la N-VA, un grand cœur plein d’empathie pour les étrangers.
La pensée bartienne est aussi inaccessible que celle de Roland Barthes !
La dernière version diffère sensiblement de la première. L’apartheid serait une sorte de société idéale d’une ville flamande imaginaire. Les quartiers seraient des phalanstères à la Fourier, autarciques et autosuffisants.
Bart visité de l’esprit de Barthes ? Les profondes connaissances de l’histoire romaine du bourgmestre d’Anvers ont empêché l’homme de mordre à l’histoire du XIXme siècle. C’est une lacune de ne rien connaître du socialisme et de la révolution industrielle qui firent des dieux, des actionnaires dont l'acier fut forgé, certes, mais par d'autres !
Une sorte d’aveu d’inculture par manque de temps lui fit dire à un journaliste de Zondag « Les musulmans, devraient prendre exemple sur les juifs orthodoxes, qui attachent énormément d’importance à leur foi, mais qui en acceptent les conséquences. Ils refusent donc de s’asseoir derrière un guichet. En effet, ils préfèrent se cloîtrer dans leur coin et s’imposer une forme de ségrégation. »
Se profile la société idéale façon Bart : chacun chez soi dans des zones-phalanstériennes sans chercher à savoir qui est l’autre, cette curiosité pouvant passer pour de la provocation.
Toute incursion d’une communauté chez une autre ne serait pas une tentative d’intégration, mais une provocation. Les barbus et les femmes aux foulards d’un côté et les blonds aux yeux bleus de l’autre, une organisation du genre coquille de noix qui se sépare en deux parties égales et qui une fois séparées s’oublient complètement, c’est ce que De Wever signifiait dans son dernier discours.
À moins qu’en d’autres circonstances, dans un autre quartier avec un public différent, Bart ne soutienne le contraire ?
Même pour les Flamands allergiques aux fransquillons, cette conception de la vie en société porte le nom de ségrégationnisme.
Ainsi chaque communauté pourrait sans risque d’être contredite, voire condamnée par la justice, tenir les propos que veulent entendre ses habitants et propager leurs idées : les femmes inférieures à l’homme, les homosexuels rebuts de la société, pourquoi pas, estimer glorieuse la lutte contre les infidèles ! Mais absolument entre soi et uniquement dans la nouvelle casbah flamande ! Quitte à entendre en face, les discours traduits en Vondel de Jean-Marie Le Pen et Marion Maréchal-Le Pen.
Du moment que ces abominations seraient cachées, bien à l’abri derrière les murs de ce nouvel apartheid, cette différence cesserait d’être problématique et hors-la-loi !
On sait comment finissent les ghettos. N’est-ce pas ce vers quoi tendrait cette vision du grand homme ? Les ghettos, de sinistre mémoire, étaient réservés aux communautés juives ! Bart voudrait les ressusciter… mais ce serait pour y claquemurer les musulmans.
Il nous reste l’alternative de nous hisser au haut niveau d’expertise de Bart, pour savoir s’il n’a pas trouvé dans l’Histoire romaine, un quelconque goût d’Octave neveu de Jules César et devenu Auguste, pour l’apartheid ?
Le divin Auguste n’avait pas inventé l’ergastule, lieu où s’entassait les esclaves après le travail forcé, mais quelques tortionnaires perses et égyptiens.
Si c’est la vision du phalanstère de Bart, on n’est pas loin de celle d’Adolphe des ghettos !
On a compris la société flamande idéale de demain tient en une formule « s’adapter ou débarrasser le plancher ».
Bart n’est pas le premier à penser cela. Des politiciens du Belang y avaient songé avant lui.
Voilà Michel prévenu pour un deuxième mandat de Premier, va-t-il poursuivre un pèlerinage imaginaire, mais pourtant bien entamé à la Tour de l’Yser ?