Campisme.
Bien sûr, il ne faut pas s’attendre à des assauts d’altruisme chez l’Homme. Le respect du prochain n’est pas une vertu du monde économique. Avoir « bon cœur » y est même un principal défaut. Pour l’heure, la situation est plus inquiétante que jamais un peu partout, dans un monde traumatisé par le fric et le muscle.
Le fric, nos libéraux énamourés du commerce mondial y ont des champions redoutables. Le muscle, la perspective du butin résultat d’un pillage ou d’une belle affaire financière, rend aux détenteurs du pouvoir, l’instinct du guerrier chasseur-cueilleur de l’âge du bronze. Le tableau de la démocratie moderne n’offre pas des perspectives d’un avenir meilleur.
Aussi bien, me fichant des apologistes de nos rares vertus de partage, de nos militaires « libérateurs » et même des personnels dévoués au secours des populations en péril, je trouve qu’il est tout à fait légitime de critiquer les interventions militaro-humanitaires occidentales, au même titre que l’aventure massacrante de Poutine, la folie vengeresse d’Erdogan et l’hystérie froide d’un Bachar el-Assad.
Faire des malheurs actuels un tri, sous prétexte d’écrire l’Histoire ou de servir la politique occidentale, oubliant certains pogroms, ignorant des révoltes et des émeutes, soulignant au contraire un massacre limité à un secteur, pour la raison que tels ou tels violents sont à gauche plutôt qu’à droite, n’est pas convenable. Un crime est un crime et une mort innocente, reste une horreur.
Les crimes de guerre ne sont pas le monopole de Daech. La coalition anti-EI, n’a pas fait que des prisonniers durant la bataille de Mossoul. Il était même convenu d’en faire le moins possible. Cela a même été évoqué et le public a approuvé, sinon détourné la tête et fait semblant de ne rien voir.
L’humeur massacrante se poursuit dans les conditions d’un demi-silence.
Le conflit au Yémen, n’est pas sous commandement du capitaine Fracasse sunnite d’un côté et de Roger la Honte chiite de l’autre.
Dévier la conversation quand on aborde les crimes de Bachar el-Assad, pour s’échauffer le sang sur les malheurs du Yémen, en revient à parler des crimes de guerre qui seraient la spécialité d’un seul, comme du temps de Brejnev, quand on était du camp communiste, et qu’il convenait d’étouffer une prise de conscience en mettant dare-dare en scène l’impérialisme américain.
Aude Rossigneux, rédactrice en chef et présentatrice des journaux télévisés du Média, a été licenciée selon la méthode Bolloré, pour avoir cru, qu’à gauche, on pouvait faire de l’info autrement et honnêtement.
La propagande et la mauvaise foi font bon ménage.
L’enthousiasme pour une cause fait qu’on oublie l’objectivité dans l’affrontement.
Cela pose la difficulté de décerner la palme des atrocités, quand elles ont lieu des deux côtés.
Même si la question de savoir qui a commencé et qui a de bons motifs de se défendre semble indéchiffrable, on peut se partager au moins les exactions et les horreurs.
Sous-jacente reste la suite de tout conflit, à savoir son issue.
L’essentiel est de comprendre qu’en prétendant à la neutralité par amour de l’humanité et en refusant de porter les armes, dans la situation du monde actuel, on est toujours perdant, naturellement voués à finir dans le camp des égorgés, c’est-à-dire dans le mauvais.
D’autre part, la démocratie supposée armée d’un côté et un dictateur infâme de l’autre, donnerait-il le droit de la première à envahir le second sous un prétexte mensonger ?
Que le gouvernement américain ait menti sur la détention de l’arme atomique par Sadam Hussein, avec en renfort dans le mensonge des médias pro américains habituels, ne fait plus de doute aujourd’hui. Que cela ait débouché sur une guerre illégale et désastreuse dont le monde paie encore les conséquences, l’est encore davantage.
Après, l’intervention militaire de 2011 en Libye, qui a débouché sur une seconde guerre civile dans le pays, n’a rien arrangé.
En Syrie, mars 2018, le massacre de civils n’est pas un dommage collatéral inévitable de la lutte contre les rebelles. Le régime n’est nullement obligé de bombarder les habitants de la Ghouta orientale qui vivent à dix kilomètres de la ligne de front et des combattants. C’est un choix délibéré. Ceux qui affirment que les civils meurent simplement parce que c’est la guerre, nous mentent.
Les démocraties ne sont pas innocentes dans les conflits. Elles interfèrent, prennent parti et nous entraînent, non sans une pression sur l’opinion, nous engageant à les soutenir. Nous alimentons ainsi les conflits dans une mesure qui n’est pas moindre.
Les pays occidentaux veulent toujours renverser Bachar el-Assad, et pourtant l’action principale va à la lutte contre les djihadistes. Enfin, elle présuppose que des frappes militaires occidentales, contre le régime de Bachar el-Assad pour faire cesser ces atrocités, déboucheraient sur un conflit mondial. En est-on certain ? L’attaque déclenchée par Donald Trump après le bombardement chimique de Khan Cheikhoun, le 4 avril 2017, a démontré le contraire, comme la frappe de la coalition sur des mercenaires russes, la nuit du 7 au 8 février 2018.
L’Europe est placée devant un dilemme, ne pas se réarmer et ne plus prendre parti, pour ne pas subir des représailles, c’est, par exemple, ployer un genou devant un Erdogan, puissance de deuxième ordre, mais capable du pire, ou se réarmer et défendre ses frontières jusqu’à aller chez les autres se mêler d’instiguer une politique favorable à l’Europe ?
Surtout, ne plus faire croire qu’il y a de bonnes ou de mauvaises causes, car du point de vue humain, elles sont toutes mauvaises !