Balayer devant la porte des autres !
Charles Michel a eu raison de « faire » député plutôt qu’avocat. Son discours du 3 mai reste une de ses plus mauvaises prestations rhétoriques, tant du point vue du style que du contenu.
Pas de lyrisme, une absence d’invention, une lourdeur de pensée, bref, ce n’était pas du Mélenchon, à peine du Louis Michel moyen, quand on sait que le père est encore plus médiocre que le fils de ce côté.
Vous le voyiez avocat ? Quelle déception vous avez dû avoir !
C’est le drame des batteurs d’estrade de s’exprimer devant une assemblée, qui n’est pas celle d’un meeting d’une arrière salle d’une maison communale MR. Ils se contraignent à paraître autre chose que ce qu’ils sont et cet effort réduit d’autant l’éloquence, dont ils ne sont pas naturellement pourvus.
Heureusement qu’ils n’étaient qu’une centaine de députés au parlement européen sur sept cent cinquante.
Dans le déluge de lieux communs, qu’est-ce que Charles Michel a dit pour intéresser ?
« L’Union européenne fait face à un moment charnière. L’Europe est trop souvent associée à la mondialisation, l’opacité, l’austérité et la technocratie », étonnant d’entendre ça du représentant d’un pays servant d’intermédiaire entre les milliardaires européens et les paradis fiscaux ! Charles Michel ou l’art de balayer devant la porte des autres !
« La confiance, c’est la clé de la démocratie (…). Nous sommes confrontés à des extrémistes de tout bord qui agitent les peurs pour monter les peuples les uns contre les autres. Je suis et je veux être un Européen engagé, pas un Européen béat ou naïf », on craint que lui et son parti aient perdu la clé de la démocratie depuis longtemps, parce que question confiance… Je vous laisse savourer les trois points de suspension. En qualité d’agitateurs des peurs, Charles Michel a dans son gouvernement quelques orfèvres de la N-VA.
Après cet effet raté, l’orateur revient à ses lieux communs favoris : « L’Europe va mieux, nos frontières sont mieux contrôlées, nous devons revenir vers nos fondamentaux de l’idée européenne, avec un idéal : la paix et la légalité, la liberté et la démocratie ». À noté que Michel a oublié la fraternité parmi ses idéaux. Normal, quand on veut contrôler les frontières ! On sait les peaux de banane mises sous les pas de leurs ennemis, son père et lui, au sein du parti. Au MR, la fraternité est devenue une sorte de monstruosité, obstacle à toute réussite.
Michel pose ensuite une question « Que voulons-nous faire ? ». C’est justement ce qu’on lui demande, depuis qu’il est au gouvernement.
« Nous avons besoin d’une Europe qui agit. Celui de primauté politique et démocratique dans les états membres et au sein de l’UE. Nous devons faire appel à la solidarité de tous. Pour y arriver, trois exigences : la prospérité, la sécurité et les valeurs européennes ».
C’est ce moment que choisissent cinq ou six députés pour glisser vers la sortie. Les autres lisent leurs journaux ou font des mots croisés. On s’occupe comme on peut.
Jean-Claude Juncker lui succède à la tribune. Le pire orateur de l’UE. Il ne prend même pas la peine de faire semblant d’être intéressé à ce qu’il dit. Que nous baille le grand homme ? Parle-t-il du grand destin qui nous attend ? Du défi de mettre l’Europe en harmonie avec la nature ? De la solidarité de Frère humain à Frère humain en accueillant justement « toute la misère du monde » ? Non ! il demande à Frère Charles Michel de faire preuve de générosité à l’égard des fonctionnaires britanniques qui veulent acquérir la nationalité belge !
Philippe Lamberts (Ecolo) et Kathleen Van Brempt (s.pa), en qualité de porte-parole, disent tout de suite après, le contraire de ce qui a été ânonné.
C’est normal. Sans controverse, ce ne serait plus la peine que les députés se déplacent. L’Europe enverrait leurs indemnités aux banques, sans jamais les voir, et nous non plus par la même occasion. Le monde y gagnerait. Les journaux n’auraient plus rien à écrire.
Philippe Lamberts, Belge moyen, aurait aimé vivre dans un paradis, mais la Belgique est un paradis fiscal et ça gâte son plaisir.
Qui dit paradis fiscal, dit inégalité. Comme les cocotiers ne poussent pas à Bruxelles, les habitants des paradis fiscaux font du pognon en Europe, passent l’argent noir à la machine à lessiver en Belgique, prennent l’avion à Zaventem pour rejoindre les cocotiers. Logique ! Lamberts ne supporte pas !
Charles Michel s’en étonne. Lui supporte ça très bien. Avec sa nouvelle petite femme, il vit sous les cocotiers qui poussent dans sa tête.
Le reste n’est plus que cris blasphématoires, odes à l’amour des émigrés qui restent à Ankara, fuite de l’élite éludant l’impôt sur des Aston-Martin huit cylindres. Derrière les villages Potemkine, la politique du dépotoir attend la migration qui a échappé aux camps d’Erdogan.
C’était dur, mais juste.
Le reste c’est le journal Le Soir qui l’écrit « Attaqué de manière frontale, le Premier ministre n'a pas manqué de répondre à son interlocuteur ». Sur la vidéo, la manière frontale de Michel consiste à baisser le front sur ses papiers. Il a répondu petit, comme d’habitude. On aurait cru entendre Reynders « …Lamberts, vous n'avez pas réussi, jusqu'ici, à vous faire élire au parlement belge… », toujours cette obsession du suffrage universel chez Michel, à croire que son père est le suffrage universel à lui tout seul !
Et tout le reste n’est même pas de la littérature… comme « Poor Verlaine » dans « Jadis et Naguère », qui pensait que c’en était !