On est fleur !
Dans toute organisation politique, une démocratie, même une dictature, les critères de sélection ont toujours été conçus avec une soupape de sécurité qui s’appelle la promotion par le mérite.
Cela permet de faire croire que les classes sociales ne sont nullement cloisonnées et que tout effort personnel reçoit sa récompense.
Les intéressés eux-mêmes « partis de rien » en tirent une certaine vanité. Ils servent de caution à une organisation sociale où « la gueule de l’emploi » situe le milieu d‘où l’on vient, le diplôme idem, tout cela donne un statut qu’il est quasiment impossible de transgresser.
Le système belge reposerait sur la méritocratie. L’idée déjà ancienne qu’en travaillant dur, les gens peuvent s’extraire d’un milieu défavorisé et briller dans cette société.
Il n’y a rien de plus faux que cette idée là.
La noblesse de l’Ancien Régime a été remplacée par la bourgeoisie d’argent, seul le peuple n’a pas changé de statut. Il n’est rien, à peu près comme un serf au Moyen-âge, sinon que l’industrie l’a pourvu de ses surplus et des productions de masse. Il était assujetti au baron médiéval, il est à présent assujetti à l’État, selon les règles d’une démocratie à laquelle il ne participe qu’occasionnellement. On lui demande un avis. On n’en tient pas compte. Par une sorte de mirage, il est tout quelques secondes seulement, le temps de rentrer un bulletin de vote.
Le bon statut, celui qui fait l’État, est plus que jamais héréditaire. On améliore sa position de père en fils. C’est très visible en politique. Ça l’est encore plus dans l’industrie par droit successoral, quoique les remises des pouvoirs, d’une génération l’autre, soient plus secrètes. Charles Michel en parlerait pendant des heures. Il est intarissable sur sa démocratie. Normal, c’est son fonds de commerce, de père en fils.
Selon ce parangon de toutes les vertus de l’apparence, sa démocratie recherche l’égalité des chances, à défaut d’avoir jamais l’égalité tout court. Sa société serait mouvante, novatrice, sans classe, interdépendante et solidaire.
Tu parles, Charles !...
Si vous croyez ça dur comme fer, n’allez pas plus loin dans cette lecture. L’économie actuelle est tout le contraire. C’est elle qui tient aujourd’hui le devant de la scène politique et qui sert même de prétexte pour améliorer la démocratie, par jumelage de la morale avec l’intérêt personnel.
Les images des reporters qui courent le monde finissent par être décalées de la réalité. Lors de l’échauffourée de lundi, lorsque l’armée d’Israël s’en est donnée à cœur joie, les gens ont vu soixante manifestants abattus par les militaires, sans y prêter attention. Les lecteurs des magazines et les téléspectateurs n’avaient d’yeux que pour l’environnement, avec des réflexions comme « c’est pas là que j’irais en vacances ».
Pauvres gens de Gaza et d’ailleurs, la démocratie tient beaucoup à vous, mais sous forme de macchabées !
Nos images vantent plutôt les beaux paysages dans lesquels s’ébattent les belles réussites, dans un perpétuel festival de Cannes, avec la montée des marches des plus belles jambes de l’ascension sociale, que le monde trumpien ait jamais mises dans la soie !
Ils sont partis de loin, personne n’aurait donné un euro sur leur avenir et pourtant, grâce au capitalisme triomphant voyez les belles dames et les beaux messieurs, il ne dépend que de vous d’être à leur place !
Le milieu des Golden Boys du prêt-à-porter à la Rolls, est accessible à tout le monde.
La majorité y croit, dur comme fer.
Regardez la sortie des écoles à Liège, observez le comportement des lycéens et des lycéennes, comme ils sont vêtus et le genre de conversation qu’ils ont.
C’est la génération qui monte. Celle que façonne la démocratie crypto capitaliste, la meilleure au monde. Les enfants s'obligent à croire aux discours des adultes. Devenus des adultes, ils se vengent en trompant leurs propres enfants.
C’est probablement dans cette outrance formatée qu’éclate le mieux l’imposture d’une société en train de faire faillite et qui jette ses derniers feux, sa dernière poudre aux yeux, avant le grand bain des réalités et des confrontations.
Il ne faut pas chercher le malaise actuel plus loin. Cette économie est au bout des largesses collectives. Elle est vouée désormais à l’actionnariat (1).
Vous cher lecteur, mon frère, vous allez crever bientôt, comme votre serviteur. Il n’y aura pas de come-back. Vous aurez droit à votre sniper qui vous ajustera entre 50 et 100 mètres. Ce sera l’occasion de faire en dernière minute, un échange d’idées sur la démocratie.
Prenez vite la pose, vous n’aurez droit qu’à quelques secondes.
Et ce n’est pas Charles Michel qui vous dira le contraire.
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1. Les trois tiers des bénéfices à répartir : 1/3 actionnariat, 1/3 investissement, 1/3 salaires deviennent 5 % pour les salaires, 66 % pour l’actionnariat et le reste pour l’investissement. Rapport Oxfam, mars 2018.