Presse, pressier, pression…
La question n’est pas de savoir si tout le monde a des raisons de détester ceux qui font le métier de nous informer, mais pourquoi je critique assez souvent les journalistes, au point que je me demande si c’est par frustration de n’avoir jamais exercé cette profession ou si c’est par une réelle aversion de la manière dont ils exercent leur métier ?
Probablement qu’il y a les deux.
Comme beaucoup de lecteurs, ma prévention tomberait si la presse et les médias se redécoupaient comme avant, quand la presse d’opinion existait.
On lisait la presse de gauche et la presse de droite selon l’opinion que l’on avait et que renforçait encore l’orientation du journal.
Cela avait l’inconvénient de n’entendre qu’un son de cloche. Une critique unilatéralement destinée à l’adversaire politique n’est pas vraiment de la critique. La véritable critique n’est possible que dans la liberté d’exprimer une opinion, dans un univers qui n’est pas monochrome, mais varié.
Les entrepreneurs de presse l’ont compris qui ont inventé la presse sans opinion, informative et explicative d’une neutralité « positive ».
Ce que tout de suite les gens bien formés et ouverts aux événements contemporains ont compris comme la mainmise d’industriels de droite sur l’entreprise, dans le but de gagner de l’argent bien sûr, mais surtout de mieux conduire les lecteurs vers une opinion de droite !
Ainsi, sous prétexte de neutralité objective, l’information est sous contrôle.
De fait, à l’image des partis s’exhibent quelques dizaines de journalistes, toujours les mêmes. Depuis le temps qu’il les lit et qu’il les entend, le public avisé sait à peu près leur opinion sur tout et ce qu’ils vont dire en réaction aux événements.
D’autant qu’en Belgique, il y a moins de commentateurs et de journalistes qu’en France, ainsi la tournée des rédactions est plus rapide. Il n'y a pas de pluralité, même dans le service public, avoir des convictions de gauche ne favorisent pas les carrières.
Le groupe sud-presse en Wallonie est le seul qu’un Wallon sur trois connaisse. Spécialisé dans le fait-divers local, là au moins il est sûr de l’exclusivité. Le groupe se définit par l'information-marchandise et de connivence avec ses lecteurs. Ceux-ci conservent un jugement savamment entretenu par la grande presse bruxelloise, monarchiste et bourgeoise, dans son ensemble, l'idéologie libérale ne met pas en valeur la pensée critique.
L’année dernière une restructuration de l’équipe déjà restreinte du Journal La Meuse a vu le licenciement d’une chroniqueuse chevronnée, sans que le lecteur s’en aperçoive. Ceci ne met en rien le talent de cette journaliste en cause. Le fait tient dans la manière dont ce journal a horreur de l’individualité et comme l’expression publiable devient une soupe de supermarché, par ordre des chefs de rédaction.
On est loin du concept du journal « Le Monde » ou du magazine « Marianne » en France où c’est le contraire qui prévaut et fait le succès.
Le public averti, même de droite, reproche aux journalistes de n’écrire que sur ordre. Ils auraient les mains liées aux richissimes qui détiennent leur média ou aux politiques, amis complices de ces stars bancaires. L’indépendance vis-à-vis des partis politiques et des pressions de l'argent seraient une vision rêvée d’une information honnête.
Vraie à 100 % ou à 80 %, ceci n’est pas un fantasme, mais une réalité d’autant plus ressentie qu’elle n’a pas été lue dans la presse, mais est souvent le résultat d’une critique personnelle de lecteurs fatigués qu’on les prenne pour des imbéciles.
Les grands groupes financent la concentration des médias. C’est une réalité. La reprise en main de Canal+ par Vincent Bolloré, est connue des abonnés belges. Le tout récent tour de vis sur RTL à Bruxelles est moins spectaculaire en raison de la moindre notoriété des mises-à-pied et du peu de bruit que font les personnels en Belgique, littéralement imprégnés de libéralisme bourgeois, pour tenter la moindre résistance.
À l’image des politiques, les journalistes, médias et presse écrite, sont déconnectés des gens. On en voit rarement traîner à Seraing ou au quartier Saint-Léonard à Liège. Les rédactions racrapotées autour des valeurs libérales et de leur patron, ont fini dans l’entre-soi, en-dehors de la vie des gens. En ce sens, la RTBF à l’instar de RTL a les mêmes difficultés.
Rokhaya Diallo, auteure notamment d'un Précis à l'usage des journalistes, aura le mot de la fin : « Ce sont les enfants issus des classes moyennes et supérieures qui font l'actualité, et non les enfants d'ouvriers. Cela participe du fait que des catégories de population ne se sentent pas représentées – comme les milieux ruraux ou populaires – et constatent que l'on parle d'elles, mais qu'elles-mêmes ne parlent pas. La conséquence est qu'un certain journalisme de débat hors-sol émane de gens, essentiellement des hommes qui sont dans le métier depuis des années, qui disent ce qui est digne d'intérêt et énoncent des vérités ».