Les sanctions, un crime d’État !
Connaissant les médias, leurs propriétaires et leurs « grandes voix », personne n’est surpris des réactions horrifiées « du monde libre » à la réélection de Nicolas Maduro au Venezuela avec 68% des voix, ses adversaires Henri Falcón (21,2%) et Javier Bertucci (10%), criant au bourrage des urnes et réclamant un nouveau scrutin.
Pas qu’en Europe et en Amérique du Nord, la contestation libérale s’arrogeant aussi le titre de « vraie démocratie » fait partie d’un ensemble hostile d’Amérique du Sud de pays regroupés à Lima, soit 14 pays qui ne reconnaissent pas la validité de l’élection, annonçant «coordonner des actions pour que les organismes financiers internationaux et régionaux n’octroient plus de prêts au gouvernement du Venezuela».
La politique des blocs comme au bon vieux temps de la guerre froide n’a jamais vraiment cessé, Cuba en atteste d’un découpage du monde qui date de la conférence de Yalta et du triumvirat Rossevelt, Staline, Churchill, c’est à peine si Gorbatchev et la liquidation du communisme auront eu à changer quelque chose.
Le Venezuela faisant partie du bloc occidental, toute tentative de gérer la politique autrement que par les règles fondées sur l’économie libérale est sanctionnée quasi automatiquement par les grandes puissances alliées des États-Unis.
Cela signifie en clair que si un pays de l’UE à la suite du désastre d’une économie locale basculait dans une majorité absolue d’un parti politique dont le programme est de socialiser la démocratie par des nationalisations autoritaires, il se verrait tout de suite confronté à l’hostilité de l’ensemble des pays de l’UE.
C’est possible que l’Italie devienne le pendant du Venezuela en Europe.
Cela pose évidemment le problème de l’omnipotence du pouvoir économique dans la gestion démocratique des pays.
Une dictature économique oligarchique oblige tous les pays concernés à partager l’échec de plus en plus évident du modèle de financement, dans sa gestion actuelle du monde « libre ». Ce n'est pas nouveau.
Tant que l’économie libérale inventait les règles en même temps que le progrès, les frottements entre les classes sociales étaient supportables. Aujourd’hui que l’on est près d’un fiasco économique encore plus grave que la crise de 2008/2009, si ce modèle ne se réforme pas de lui-même rapidement, peut-être que d’autres Venezuela et d’autres Italie feraient en sorte qu’il serait impossible aux autres pays de poursuivre une politique de sanctions et de cordon sanitaire.
Le 28 mai, l'Union européenne a déclaré que l'élection au Venezuela n’était «ni libre, ni juste, ni transparente», et annoncé de nouvelles mesures «restrictives, ciblées et réversibles, conçues de manière à ne pas nuire à la population vénézuélienne». C’était avant le gouvernement baroque italien. On saura très vite si ce dernier applique le programme du Mouvement 5 étoiles : un revenu universel modulé et l’expulsion de 500.000 sans papier, programme de La Ligue du Nord, puisqu’il n’y a pas de compromis entre les programmes de la coalition mais une superposition de ceux-ci.
Le Venezuela n’a pas une économie comparable à l’Italie qui est le troisième plus grand pays industrialisé et fondateur de l’UE. Le Venezuela est enfermé dans son économie de rente pétrolière (96% de ses revenus). Le président Maduro l’a en partie redistribué aux plus pauvres pendant les années de prospérité. Sensible au cours du brut, le Venezuela est aujourd'hui plombé par une dette de l’ordre de 150 milliards de dollars et ne dispose plus que de 9,7 milliards de réserves. En manque de dollars, les entreprises ne peuvent plus importer ni produits finis, ni pièces détachées. L’appareil de production est à l’arrêt, les pénuries de nourriture, de produits de base, de médicaments, de matériel médical, mais aussi d'eau courante et d'électricité deviennent critiques. Le nombre de cas de paludisme explose, la diphtérie a réapparu, les hôpitaux manquent de tout. La ministre de la Santé Antonieta Caporales a été destituée l’an dernier pour avoir divulgué un rapport faisant état d’une hausse de 30% de la mortalité infantile entre 2015 et 2016.
C’est donc un étranglement supplémentaire que les pays occidentaux pratiquent sciemment par leurs sanctions, mettant en danger la santé des habitants, quoiqu’ils disent.
Un économiste impartial verrait dans cette économie malade avant tout un manque de diversification antérieure à Maduro, ce dernier ne faisant que gérer la crise. De ce point de vue, les candidats libéraux n’auraient qu’un seul avantage, celui de la levée des sanctions et une aide internationale. Autrement dit, ce n’est pas le socialisme de Maduro qui a conduit le pays là où il est, mais la mono activité et l’avidité des décideurs de l’économie libérale.
Ces sanctions des pays occidentaux dont la Belgique produisent évidemment un argument du camp adverse. S’il a été mis au ban de la communauté occidentale, le Venezuela chaviste n’est pas aussi isolé qu’on le dit. Il peut encore compter sur le soutien de la Russie et de la Chine, qui sont aussi ses deux principaux créanciers.
En novembre dernier, Poutine a évité à Caracas le défaut total en renégociant une partie de sa dette (trois milliards de dollars d’achats militaires). Il a aussi franchement félicité Maduro pour sa victoire.
La Chine est un allié plus actif encore. Elle aurait prêté soixante milliards de dollars depuis 2014. Elle a pris acte de la réélection tout en appelant au dialogue et a décidé de stopper ses prêts, mais sans intention de lâcher Caracas.
Est-ce que la politique de sanction sans cesse brandie comme une menace est intelligente ? L’économie libérale pourrait quand même y réfléchir un peu.
C’est aussi un des multiples défauts de l’économie, depuis Trump, elle n’a plus de pilote dans l’avion ! Quant à l’évolution du capitalisme vers autre chose, tous les bons économistes en conviennent, seulement personne ne sait ce que cela pourrait être !