Un père en colère.
L’incarcération n’a pas toujours été possible dans nos régions. Garder entre quatre murs une personne contre sa volonté a été, par le passé, d’une grande difficulté par manque de moyens et l’absence de bâtiments adaptés.
Sous l’Ancien Régime et sans remonter au Moyen-âge, il n’y avait que trois peines, la première et de loin la plus définitive était évidemment la peine de mort, la deuxième était le bannissement, on envoyait ailleurs ce dont on voulait se débarrasser, enfin, le bagne, pratique et efficace quand l’avion était encore à inventer et qui demandait trois semaines au moins d’un voyage périlleux, pour que le condamné revînt sur le théâtre de ses forfaits. Il restait encore à épingler le travail forcé sur les galères du roi, pour les grandes puissances maritimes.
Au temps des lettres de cachet et du fait du prince, seuls les personnes de condition pouvaient être incarcérées longtemps et à leur propre frais.
Quand le béton vint au secours des juges, il fut construit de nouvelles prisons. La démocratisation du code pénal en une infinité de petites peines et en une multiplication de délinquants rendirent bientôt les prisons en nombre insuffisant.
On n’avait pas prévu l’américanisation de la société et l’explosion de la délinquance due surtout aux convoitises des biens « hors de prix » et des paradis artificiels issus de tous les dérivés de stupéfiants. Voilà qu’à ces deux facteurs d’explosion des détenus, le fanatisme religieux poussant à la criminalité gratuite s’ajoute aux précédents.
Cette société se trouve donc accablée par l’évolution de la criminalité conjointe au code pénal assoupli en peines passées chez soi, avec bracelets électroniques et congés de peine en vue d’une réinsertion.
Avec le manque de locaux d’enfermement et la grande vétusté de ceux qui existent, on aura fait le tour d’une situation catastrophique de l’état des lieux et de la justice en général.
Les responsabilités de cette situation lamentable existent dans presque tous les ministères de tous les gouvernements qui se sont succédé depuis la Libération.
Certes Charles Michel, Jean Jambon, Koen Geens et Théophile Francken, aux premières loges, sont les responsables en chef actuels, mais il ne faut pas oublier le fond de l’affaire qui est l’augmentation de la délinquance à cause d’une société de consommation basée sur une économie équivoque, immorale et prédatrice.
Restons pragmatiques et voyons ce que l’on peut faire aujourd’hui d’utile.
Augmenter le budget des prisons et en construire d’autres en suffisamment grand nombre pour raser les anciennes ou les affecter à d’autres tâches.
Ne plus faire de ces lieux maudits un melting-pot où se mélange tous les crimes et délits comme tous les types de criminels. Les incarcérés avant leur procès sont présumés innocents, ils devraient en principe ne pas côtoyer la fine fleur du milieu. Les détenus pour une multitude de raisons mais soupçonnés de fanatisme religieux ne devraient en aucune manière partager leur cellule avec quiconque, afin d’empêcher le prêche et le prosélytisme, surtout influençant les esprits faibles.
Cela veut dire que l’ignominie dans laquelle on force des détenus à vivre par trois ou quatre dans des cellules de 16m² ne devraient plus exister dans un délai le plus court possible.
Et qu’enfin, il soit formé dans nos écoles une nouvelle génération de psychologues spécialisés dans le sauvetage intellectuel et moral des délinquants incarcérés.
En quoi nos « élites » actuelles se rendent-elles coupables ?
De ne rien ignorer de ce qui précède et d’être presque d’accord sur tout, historique et réalité quotidienne confondues, et de ne rien faire d’autres que d’esquiver le coup à chaque nouveau malheur.
Et pourquoi agissent-ils ainsi ?
Mais parce qu’ils entendent bien que l’opinion ne les prenne pas électoralement en grippe. Ils ne se montrent jamais aussi actifs qu’après coup, au point que leur zèle finit par devenir suspect pour tout le monde.
Et qu’enfin, ils ont été élus sur l’apologie du système économique à la base de tout et y compris dans l’univers carcéral. La société de consommation, les bouleversements dans les règles du travail modifiant les manières de vivre, l’accablant oubli de la morale et de l’esprit critique dans les écoles, c’est le libéralisme à l’état pur ou dilué dans la social-démocratie. Ils en sont les garants et les propagandistes.
Comment peut-on croire que nos ministres issus d’un milieu à peu près identifiable de la gauche à la droite, continuateur du système économique dans lequel nous sommes pourraient le bouleverser pour modifier une route qui va nous mener à la catastrophe ?
Ils ne le peuvent pas. Ils sont eux-mêmes la catastrophe.
C’est à peu près ce qu’aurait voulu dire le pauvre papa du malheureux Cyril Vangriecken et qu’il a traduit avec les mots désespérés d’un homme accablé, aux actuels responsables de la mort de son fils que l’on voit dans les gazettes avec des mines de circonstance, comme s’ils ressentaient vraiment la douleur de perdre un enfant dans pareilles conjonctures.