Benalla, un zèle coupable.
Une chronique a déjà été consacrée au dénommé Alexandre Benalla, bodyguard élyséen et, peut-être, plus que cela, homme de confiance bourdonnant autour de la ruche présidentielle. Selon le vieux proverbe « qui se ressemble s’assemble », plus il sera trouvé de défauts jusqu’à l’odieux passage à tabac des manifestants du Premier mai, plus on se convaincra que Macron aime ce genre de personnage « intransigeant, courageux mais ombrageux et affichant son désir d’ordre jusqu’au coup de poing ». Est-ce que cela ne nous dit pas tout d’un Macron, privilégié de la vie, chançard d’aujourd’hui, homme aux ressorts intimes un peu plus dévoilés par sa ressemblance avec Alexandre Benalla ?
Cette affection pour un certain type d’homme coûte cher au président de la république.
Dès ce lundi, avec un Gérard Collomb sur la sellette au Parlement pour éviter que l’Élysée, le directeur de cabinet, le président en personne peut-être, soient accusés d’avoir enfreint l’article 40 du code de procédure pénale, en ne signalant pas au procureur le coup de sang d’Alexandre Benalla le Premier mai, dont ils avaient connaissance. Tout cela alors que Muriel Pénicaud, ministre du travail, avait donné son accord quelques jours auparavant pour licencier un postier, accusé d’avoir occupé un bureau de poste avec d’autres grévistes dont Olivier Besancenot « contrainte par le droit », puisqu’il y avait eu condamnation au pénal, ajoutant «Une condamnation pénale, ce n’est pas rien. J'estime qu'un ministre n'est pas au-dessus de la justice».
Les voilà bien ces paroles imprudentes, quand le gratin, jusqu’au président lui-même enfreignent l’article 40 du code de procédure pénale !
On se demande si l’imprégnation du jeune Macron de discours philosophiques et son enthousiasme à l’étude de la représentation théâtrale par la titulaire des cours qui, dans un entraînement romantique, devint bientôt sa maîtresse, n’a pas produit l’homme mûrissant sous les ors de la République, une sorte d’Hippolyte en couple avec Phèdre, dans un vaudeville moderne rewritant Racine.
Pour Emmanuel Macron toute révolte est une erreur sous son règne. Benalla n’est coupable que de s’être fait prendre là où le président trouvait opportun qu’il aille voir ce qu’est une révolte, fût-elle sous l’auspice du Premier mai.
En quoi la gauche belge est-elle intéressée par ce conflit intérieur français ?
Par le comportement d’un pouvoir qui ressemble partout en Europe, à ce que l’on en voit depuis la France.
C’est bien d’une guerre idéologique et sociale dont il s’agit, d'un pouvoir dans une démocratie qui ne change jamais de main. Macron, comme Michel, comme Reynders, comme Bacquelaine croit à une mission de transformation du pays. À quoi ? Mais aux impératifs commandés par la mondialisation de l’économie, sans même se demander si cette transformation est un fléau pour beaucoup et s’il est possible d’y soustraire la population la plus vulnérable.
Au-delà du bon plaisir et du gendarme illégal sous haute protection, l’infantile Benalla est le Berger malinois d’un monde prétextant l’impératif économique face aux réfractaires qui refusent la malléabilité libérale.
Au pouvoir de planer en toute jouissance des droits que l’argent confère, aux autres d’accepter la hiérarchie sociale, la nécessité des réformes nécessitant des plans sociaux, avec la récompense à la clé sous la forme d’une modernisation heureuse, à condition d’accepter le sort momentanément accablant.
Finalement on se fout bien au sommet, de ce que pense Benalla, on trouve même que se tailler une place dans l’opposition à un cortège ouvrier à coups de pied dans le ventre d’un manifestant par terre est tout à fait naturel, s’il n’avait pas été filmé. Mais son symbole, ce qu’il représente, le bras armé du droit de la planète Macron, on touche là au sacré. Et ça, personne n’aura le droit d’en disputer la continuité au pouvoir.
Emmanuel Macron incarne une espérance de libéralisme dans les « forces-vives » d’un vieux pays d’histoire et de conquête. Il a tout simplement chaussé des escarpins à la place des sabots de Péguy, ce héros chrétien mort en 14, qui parla tant des gens du peuple, comme on encense une élite priant Dieu pour la Patrie et acceptant le travail aussi modeste soit-il comme une contribution, un doux labeur aux grandeurs de la France.
Sauf que Péguy ne savait pas très bien ce qu’était le peuple et Macron non plus.
Il y a chez les gens de pouvoir aujourd’hui, Macron, mais aussi les Michel et toute la noria libérale une conviction rare d’être dans le vrai, qui prouve combien le social-libéralisme s’est trompé et en se trompant à trompé tout le peuple, lorsque le PS s’est associé à ce crime de l’inconscience.