Garçon... la même chose !
Qu’est-ce que Jean-Claude Juncker est allé faire mercredi à Washington ?
D’après Le Soir, JC Juncker a tout arrangé auprès d’un Donald Trump soudain d’une grande compréhension. La guéguerre économique serait pratiquement close entre les USA et l’Europe, foi de libéral engagé.
– Qu’est-ce que tu prends ?
– Tu sais Donald, j’ai pris deux Bloody Mary dans l’avion et j’ai l’estomac barbouillé…
– Putain ! J’te parlais du beurre de cacahuète et d’ta commission… Bullshit !...
Hélas ! Le Soir n’a aucun économiste valable dans ses bureaux de rédaction et ses spécialistes de la politique américaine sont des américanolâtres surfant sur l’apologie de Trump et de Charles Michel, en alternance !
Par exemple, Donald a promis de "résoudre" la question des tarifs douaniers américains de 25% sur l'acier et de 10% sur l'aluminium européens, sans préciser si cela signifiait qu’il allait susprendre, voire supprimer ces taxes.
À lire attentivement le discours en anglais du locataire de la Maison blanche, on ne voit rien qui pourrait faire croire qu’on va tout effacer.
Du coup, JC Juncker assoiffé de résultat se dit tellement satisfait que sans attendre une mesure qui ne viendra certainement pas, il annonce à Donald que l'Union européenne va commencer à acheter sans délai beaucoup de soja, aux producteurs américains, alors que la France est en train de débattre sur l’interdiction des OGM sur le territoire français ! Le soja devra aussi avoir été au préalable homologué par l'UE. 94% du soja planté aux États-Unis est génétiquement modifié pour résister aux désherbants, selon des données du ministère américain de l'agriculture, l'USDA.
On ne savait pas si Juncker avait déjà un verre dans le nez quand il s’est également engagé de la part de l’Europe sur les importations de gaz naturel liquéfié en provenance des États-Unis, idem de discuter des normes réglementaires pour faciliter l'accès aux matériels médicaux américains sur le marché européens.
Et enfin, pour flatter l’autre un maximum, Juncker, comme un grand et sans en référer au Parlement européen, veut réformer l'Organisation mondiale du commerce (OMC) pour "s'attaquer au problème de pratiques commerciales déloyales incluant le vol de la propriété intellectuelle, le transfert forcé de technologies, les subventions industrielles, les distorsions créées par les entreprises d'Etat et la surcapacité", propos qui visent la Chine, ce qui mit Donald en gaîté.
Bref, sur de vagues promesses américaines, notre grand libéral européen a promis tout ce qu’on veut, sans doute afin de se ménager un retour triomphal en Europe, ce que n’ont pas manqué de rapporter des journaux à la botte de l’économie bourgeoise, comme effectivement une grande avancée vers un accord équilibré.
Heureusement avant de sombrer dans un délire de joie suspect, Jean-Claude Juncker n'a pas précisé, lui non plus, quand les représailles européennes à ces taxes allaient être levées.
Finalement, il ne s’est rien passé de sérieux ce mercredi à Washington qui vaille un pet dans les gazettes, sinon que de nouvelles sanctions, s’ajoutant à celles qui sont maintenues, seront suspendues, en attendant !... Quoi ?... Jean-Claude cherche.
On est en droit d’être inquiet de la suite de cette entrevue qualifiée de « grande avancée » dans le règlement du différent entre l’UE et les USA.
Le gâtisme avancé de Juncker contre la sénilité revancharde de l’autre, voilà de quoi amplement nourrir les fake-news et entretenir les plus grands espoirs de nos américanolâtres.
Sur le temps que nos « grands acteurs » du drame économique se la pètent dans des vols privés des traversées historiques, Bruxelles-Washington, peut-on appeler les relations que nous entretenons avec notre voisin russe, de réfléchies et de fructueuses ?
Nous maintenons des sanctions à l’égard de la Russie pour des raisons sérieuses, certes, le Donbass, la Crimée, le soutien de Poutine à la Syrie, mais dans le cadre d’un affrontement mondial de concepts politiques différents, l’Europe ne se posant dans ces conflits qu’en qualité de « personnalité morale ». Pourquoi ne nous en tenons-nous pas à la politique que nous menons à l’ONU, sans en faire davantage à titre personnel, alors que Donald Trump tente un rapprochement avec Poutine ?
En quoi l’agressivité de la Russie à l’extérieur de ses frontières est-elle pire que celle d’Israël au Moyen-Orient, alors que sur l’insistance de Washington, nous sommes tout sourire et toute compréhension avec Netanyahou ?
L’Allemagne dépend du gaz russe pour sa politique énergétique. Nous avons aux frontières de l’Europe une grande Nation que nous aurions intérêt à nous concilier. Jadis prétexte à la méfiance, le communisme n’avait pas la même finalité que le capitalisme et on pouvait comprendre l’incompatibilité commerciale. Aujourd’hui que le système est commun, que des holdings sont de mêmes natures, que ceux qui se partagent les revenus des entreprises sont identiques, qu’est-ce qui peut bien faire courir Juncker à Washington et dédaigner Moscou, sinon des intérêts financiers de Wall Street, honteusement ignorés par la grande presse !