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L’Atlantide.

La brute la plus épaisse doit avoir des moments de lassitude d’en découdre pour un oui ou un non avec n’importe qui. Les délicatement obscènes du bien gouverner les gens qui n’ont rien, parce qu’ils ont tout, que vous nommez ministres ou grands patrons et qui ne sont que des voyous, peuvent avoir de précieuses secondes d’inattention soustraites à leur carrière et penser au paradis perdu depuis le fond des âges.
Quand il frappe une balle de golf, Trump ne pense pas à ses affaires, ni à attraper une préposée du vestiaire par la chatte, ni même encore qu’il est devenu président des États-Unis, parce qu’il a ramassé le pot d’un poker avec les Russes. Il pense comment faire en sorte que la balle retombe au plus près du trou. Comme c’est la chose la plus simple en soi, il est heureux quelques secondes.
C’est ainsi qu’il n’y a pire lie qui se transforme, rêve, se redresse, l’espace d’un instant.
C’est une reconstitution hâtive de ce qui peut-être n’a jamais été, que de « partir » en vacances à la recherche d’un monde idéal où chacun avait une part de bonheur qui n’avait rien à voir avec les règles du mérite économique ; mais tenait à ce qu’on avait envie de faire, y compris l’oisiveté.
Les Grecs mettaient leur paradeisos au milieu des jardins enchantés. Bien avant que la Bible n’ait inventé le paradis terrestre, l’Inde avait déjà créé l’histoire d’Adam et Ève avant que nos catéchumènes ne revendiquent la primauté de la genèse !
Les jardins entourant le palais achéménide de Pasargades, en Perse, construit au milieu du VIe siècle av. J.-C. par Cyrus le Grand, étaient célèbres, mais on trouvait des paradis dans toutes les régions de l’empire où le roi séjournait de manière plus ou moins fréquente. Les membres de la famille royale et la haute noblesse disposaient de grands domaines entourés d’un parc. Les auteurs grecs signalent, en dehors de la Perse, l’existence de tels paradis à Sidon (actuel Liban), en Syrie du Nord, près de Sardes en Lydie et à proximité du Tigre en Assyrie.

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Où est la place de la multitude dans ces paradis ? Encore de nos jours, le peuple n’y a pas accès, sauf en qualité de domestique.
Ils sont réservés aux brutes les plus épaisses mais qui savent y faire, aux ministres et aux milliardaires qui ne manquent pas d’air du genre de Donald Trump.
Il est vrai que ces paradis se sont déplacés vers des îles qu’on ne connaissait pas au temps d’Alexandre. La dernière d’Europe très méridionale dépeinte par Homère se serait abîmée dans la mer emportée par Poséidon à la suite de la honte que le peuple n’y était pas le bienvenu.
Et pourtant la légende est vivace. Chaque année des millions de gens transhument vers sa destination et finissent les pieds dans l’eau et un coup de soleil sur la tête.
On n’imagine pas comme certains partent loin pour ne rien trouver.
Et pour cause.
Le paradis perdu est en réalité une abstraction qui est en nous et qui s’appelle le bonheur ou l’art d’être heureux avec pas grand-chose.
C’est tout à fait par hasard qu’on s’en aperçoit et, dans le fond, il n’est pas de notre intérêt de le découvrir trop vite.
Celui qui ressent sa présence s’en contente le plus souvent et devient philosophe. C’est-à-dire qu’il découvre des priorités personnelles qui n’ont plus à voir avec les priorités collectives.
Je ne dis pas que la philosophie est de droite, je dis que sachant l’imperfection de toute chose et les médiocres qualités de tout un chacun, réfléchir est aux antipodes d’une adhésion au collectif.
De sorte que philosopher devrait être une conjugaison réservée aux vieux. La jeunesse doit faire preuve d’impétuosité et trouver ce que les philosophes ont cherché sans l’avoir jamais trouvé qu’en eux-mêmes, non pas un paradis, mais ce qui en rapproche le plus possible.
Une sorte d’éden où les brutes et les ministres en auraient été chassés, justement par ceux qui sont en quête d’un paradis et qui sont bien en peine de le trouver aujourd’hui.
Ce qui est désigné comme le « jardin d’Éden », dans les traductions postérieures du « Paradis terrestre », est un lieu où les espèces végétales et les animaux terrestres coexistent en harmonie. Mais ce n’est pas un endroit où la nature serait laissée à elle-même : il s’agit d’un jardin, c’est-à-dire un lieu où règnent un certain ordre, un ordonnancement humain.
Sachant comme nous avons salopé la terre, ce jardin ne peut donc se trouver que dans la tête des philosophes.
Poutine les incarcère, Trump les exècre et Charles Michel enjoint aux médias de nier leur existence. Les partis s’en méfient. Les jeunes les ignorent et votre serviteur qui s’en réclame, en est un de raté.
D’où une dernière inquiétude, est-ce que la philosophie et les philosophes ne seraient pas subrepticement en train de disparaître, dissous dans nos modernités et nos algorithmes, emportant avec eux les clés du paradis ?

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