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Le temps des Cyborgs !

À la différence des siècles au cours desquels l’illettrisme était une conséquence de l’appropriation des connaissances par l’élite nobiliaire, elle est aujourd’hui le résultat d’une forme de loisir, dispensée par toutes sortes de pouvoir.
On n’honorera jamais assez l’instituteur laïc de l’entre-deux guerres qui donna à la jeunesse le sens critique et la théorie de la lutte des classes.
Près d’un siècle plus tard, peu armée pour résister aux chants des sirènes de l’establishment, notre génération affronte les machines à l’intelligence artificielle (IA), programmées pour modifier le psychisme humain !
L’université, en progrès, est à égalité avec la bêtise générale, tout aussi en progrès ! Il n’est même pas certain que la bêtise soit moins bien représentée dans la haute école que dans les niveaux inférieurs.
Autant que l’alimentation ersatz, rehausseur de goût et médecine de confort, lorsque les robots modifieront la psychologie humaine, vers quel désastre courrons-nous ?
Ce régime économique totalitaire détourne nos désirs et réduit nos espérances à de grandes cérémonies collectives, sortes de célébrations politico-religieuses et sportives. Alors que, déjà, les machines intelligentes bouleversent notre manière d’être au monde, en nous déchargeant du fardeau d’être intelligents !
L’accélération voulue par le productivisme économique, essence même du système en quête de profit, dévoile notre impatience du loisir et la satisfaction de nos désirs.
Des robots satisfaisant à nos caprices en toute célérité de communication, nous serons frustrés par l’agressivité de la société humaine, de ses bavardages inutiles et de sa méchanceté naturelle. Seules les autorités patronales et politiques auront le droit de nous piétiner, par l'effet de leurs moyens de rétorsion à notre égard.
Subissant le contact humain comme une contrainte, aurons-nous envie de nouer de nouveaux contacts, après nous être défaits des anciens ?
La société ne se définira plus par la présence d’humains, de parents, d’amis, mais par une machine. Au Japon, des couples se forment d’une machine et d’un humain, au même titre qu’entre deux humains. L’avantage serait incomparable. La machine est aimable et complaisante. Son entretien est limité. Son abandon dans un placard ne suscite aucune controverse. Elle est douée d’une conversation à la carte et d’une intelligence supérieure à la moyenne.
Que deviendra la possibilité de s’adonner à des réflexions intérieures, lorsque nous serons en face d’un appareil prêt à nous écouter d’une oreille complaisante ?

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La mémoire, déjà si complétée et rafraîchie par Internet et le smartphone que nous n’aurons plus en poche, mais en permanence en « puce à l’oreille », qui pourrait envisager un retour brutal à l’état de nature, soit par une punition distribuée par les deux pouvoirs – l’économique et le politique, soit par un cataclysme dont nous pourrions être les auteurs ?
La géolocalisation nous donne le droit d’être géographe sans l’être. La téléportation nous donnera celui d’être dans un lieu sans y être ! Et tout cela sans que nous soyons capables de la moindre explication, sinon d’appuyer sur des boutons indiqués sur la notice.
Déjà que nous sommes amenés à philosopher sans plus savoir quels sont les philosophes, les théories qu’ils ont émises et les besoins que nous avons de les connaître, les robots vont-ils obliger l’homme à repenser l’idée qu’il se fait de lui-même ? En d’autres mots, l’homme va-t-il être contraint d’entrer dans les questions de métaphysiques sans en rien connaître, depuis qu’on l’a rendu idiot et conservateur ?
Aidés et complétés, quand nous serons convaincus que les machines ont des compétences que nous n’aurons jamais, il sera trop tard. Nous ne pourrons plus rentrer dans le monde primitif qui fut notre matrice à l’aube de l’humanité
Comme la réalisation la plus sophistiquée sera l’œuvre d’une poignée d’individus fabricant des machines pour le reste complètement ignare, l’équation reviendra à nous livrer à des forces que nous ne contrôlerons pas, sorte de CAC 40 du niveau supérieur. Les effets pathologiques sont prévisibles, comparables à ceux qui sont privés de jeux vidéo, de réseaux sociaux ou de drogues, nous pourrions très rapidement être en manque !
L’humain drogué du progrès entre plus facilement dans des délires religieux. Le jour où les fabricants nous feront croire que leurs machines sont pourvues d’émotions, on verra des processions animistes aussi redoutables que les sottises actuelles d’esprits croyants.
« C’est ce qu’on appelle un phénomène de dissonance cognitive : on a beau savoir que ce sont des machines, on ne peut pas s’empêcher de développer avec elles la même relation qu’avec des humains, et croire qu’elles ont des émotions. Plus récemment, l’état-major américain a découvert que certains soldats envoyés en Irak et en Afghanistan s’attachaient de manière déraisonnable à leur robot démineur : les dommages que ­subissait celui-ci les affectaient gravement, et ils voulaient absolument qu’on le leur répare plutôt que de recevoir un robot tout neuf sorti de l’usine. Pendant le combat, certains pouvaient même mettre leur vie en danger pour lui éviter des dommages. » (Serge Tisseron - Le Monde).
Bientôt, les seuls acteurs sociaux importants seront les inventeurs des robots. Et encore, le jour où l’intelligence artificielle pourra se reproduire, nous serons tous fichus à la porte, y compris leurs inventeurs.
L’humanité sera obsolète !

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