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L’asticot de la mouche à viande.

Nous devons le peu d’écrivains « près du Peuple » dans les modernes éditions, aux éditeurs presque tous absolument convaincus qu’il vaut mieux produire une petite merde bien romantique et sentimentale à faire chialer sur un banc de gare, qu’un drame héroïque de gens qui partent tôt matin à la recherche du pain quotidien.
Cette appréciation concerne les médias en général. C’est une question d’argent, évidemment. Mais au-delà du rentable, c’est le suivisme général pour le pouvoir en place. Celui qui distille places et profits. C’est un penchant naturel qu’observent les sociologues.
Le plus bel exemple c’est la quasi unanimité du peuple allemand derrière Adolphe du temps de sa splendeur, mettons de 35 à 41, date après laquelle les gens intelligents eurent des doutes et se séparèrent des complètement nazifiés.
J’en dis assez pour comprendre que notre régime économique et « l’écrin » qui l’entoure aura un jour du plomb dans l’aile, quand les gens s’apercevront qu’ils risquent un nouveau Stalingrad.
C’est donc à l’aide de forceps que je déterre un cadavre d’écrivain. On l’a perdu de vue dans les universités, à cause du penchant naturel que j’ai expliqué.
En plus, il s’agit d’un Bruxellois. Quelques lettrés se rappellent qu’il fut l’auteur de « La guerre du feu ». On en fit un film. À la préhistoire, ce n’était pas par idéologie qu’on se cassait la gueule, mais pour une belle néandertalienne ou pour un cuissot de chevreuil cuit à l’étouffée sous les pierres chaudes de la grotte voisine. Le fumet arrivait jusqu’aux narines d’un athlète qui s’accommodait des deux repas. Ce qui, en passant, relève du même instinct prédateur d’un Trump ou d’un Charles Michel, mais que nos ardents défenseurs de la culture n’ont garde de mettre en parallèle avec nos cavernicoles.
Il s’agit de J.-H. Rosny aîné, pseudonyme de Joseph Henri Honoré Boex, né le 17 février 1856 à Bruxelles et mort le 15 février 1940 à Paris. Il est, nous révèle Wikipédia un des grands fondateurs de la science-fiction moderne.
C’est son œuvre « La vague Rouge » qu’il faut lire. Hélas ! jamais rééditée. Si vous en aviez un exemplaire, vous comprendriez vite.
– Pourquoi ne serions-nous pas à la fois capitaliste et ouvrier, dit naïvement un supporter du MR de l’époque, qui devait-être, aux alentours de 1900, un des premiers maurassien ?
– C’est contre nature, parce que notre instinct, comme l’instinct des bêtes dont nous descendons, est de garder par la force ce qui a été conquis ou pris par la force…. Quand eux-mêmes (les exploiteurs) voudraient mieux faire, ils ne le pourraient pas. La position qu’ils tiennent, et qu’ils doivent défendre, les y condamne. S’il en était autrement, depuis le temps où nos pères ont levé le drapeau du socialisme, les bourgeois auraient amélioré notre sort. Beaucoup ont été pavés de bonnes intentions ; beaucoup ont pleurniché sur la misère des travailleurs ; beaucoup ont prêché l’aide au peuple. Le résultat, c’est que le capitalisme n’a pas désarmé une minute, qu’il nous a bernés sans arrêt, qu’il nous opprime autant et peut-être plus que jadis.
« La vague Rouge » se lit d’un trait et n’a pas vieilli d’une ligne.
Je ne résiste pas au plaisir de vous offrir une dernière livraison.

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« Le régime capitaliste est l’effort d’une minorité contre une majorité. Cet effort ne peut aboutir à la victoire du petit nombre que par une destruction colossale d’intelligence !... Il n’y a pour nous, dans les cœurs bourgeois, que mépris et que haine. La misère ne les apitoie qu’à la surface ; nos plaintes les irritent, nos réclamations les indignent… »
Et enfin, quelques pages plus loin, des lignes prémonitoires écrites il y a un siècle, dépeignant la mésaventure du PS, ce parti socialiste complètement désavoué par la gauche revendicative en 2018.
« …Ceux qui mettent leur confiance dans la politique seront pris au pire des pièges. Ils verront successivement de nouveaux partis bourgeois se former avec les troupes qui devaient défendre la cause ouvrière ; ils verront les ministères, les hommes, les emplois aller de Pierre à Paul et de Jacques à Auguste… La politique corrompt à coup sûr tous ceux qu’elle touche : c’est la mouche à viande du socialisme.
» Lors même qu’ils seraient irréprochables, les députés socialistes s’agiteraient dans le vide. Car ils entretiennent une confusion qui retarde sans fin la victoire du prolétariat. Il n’y a de commun entre eux et les syndicats qu’une vague aspiration, encore étouffée par la fatalité politique. En effet, le parti socialiste assemble au hasard des bourgeois et des ouvriers de catégories diverses. Tous ces gens ont des intérêts contradictoires ; ils ne peuvent s’entendre que sur des réformes secondaires : pour le reste, ils chicanent, et bien inutilement, incapables de se convertir aux idées les uns des autres, ni même de les comprendre. »
Je rappelle que ces textes sont extraits d’un ouvrage de Rosny aîné, écrit dans les environs de 1900 et édité en 1910. On doit pouvoir lire l’œuvre sur les tablettes en ligne.

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