Ouvert le dimanche !
Nous y voilà, début janvier, la ville de Liège, reconnue « centre touristique », justifiait l'ouverture des magasins le dimanche. Si vous voulez savoir de quel côté est le PS liégeois, vous n’avez qu’à aller sur le site de Maggy Yerna, l'échevin PS du Développement économique. Elle a proposé au conseil communal une ouverture dominicale « d'abord » une fois par mois. Ce « d’abord » est délicieux, car il suppose qu’après « d’abord » viendront ensuite les autres dimanches.
C’est un vieux débat, même plus vieux que les 3 x 8 heures, le doublement de services pour les urgentistes et les heures sup. jamais rattrapées dans d’autres métiers. Tout ça en vertu d’une extension à l’infini de la productivité, avec son corollaire, la rentabilité.
Ce n’est pas très socialiste, tout ça !...
Et si sous des dehors qui avantageraient les petits commerces, cette nouvelle offensive patronale soutenue par le PS était un cadeau à la grande distribution et une menace majeure pour les commerces indépendants et l'emploi, en violation de la libre concurrence ?
Les Liégeois n’ont pas été sans remarquer que les hypermarchés de la périphérie sont en difficulté, la formule de redéploiement est simple. Dégraissons les hypermarchés et revenons nous installer en ville sous forme de superettes, mini market, etc. Laissons penser que le petit commerce va s’en sortir en travaillant un jour de plus. Certains réussiront, mais la plupart vont boire la tasse. Ils ne peuvent pas réengager du personnel. Pour ouvrir le dimanche, ils seront obligés de faire avec ce qu’ils ont et beaucoup de gérants feront le sacrifice d’abandonner le seul jour de congé qu’ils prennent, puisqu’ils sont pratiquement tenus d’être à la boutique la semaine pleine.
Par contre, rien de plus facile pour un grand magasin d’ouvrir au centre ville. Le personnel devenu pléthorique à la périphérie ne demande pas mieux que de revenir au centre, même le dimanche, plutôt que d’être licencié.
Les géants de la grande distribution s’étaient déjà entendus pour éliminer les petits magasins en ville, seules les fringues et les chaussures ont résisté, et avec ça et là quelques épiciers, bouchers, charcutiers, pâtissiers et autres primeurs qui ont tenu le coup en raison du fait que tout le monde n’a pas une bagnole et puis parfois, on oublie d’acheter un paquet de sel à Ans, ce qui est bien commode d’en trouver un Pont d’Avroy.
Dans son nouvel objectif de revenir en ville, la grande distribution voit dans la banalisation du dimanche l'arme de destruction massive des derniers commerçants autonomes ou sous-gérance, en usant de l'égarement de l'opinion par les médias et les politiciens. Le PS est tombé dans le panneau !
Les grands de la distribution feront alors tourner le personnel sept jours sur sept et douze à dix-huit heures par jour, c’est déjà presque ça dans les hypermarchés, avec les temps partiels accumulés et répartis, les caissières connaissent l’embrouille.
Aucun commerce indépendant ne peut lutter contre ça !
Les épiceries « exotiques » tenues par des familles aux horaires à rallonge se verront elles-mêmes dépassées par des supermarchés qui fermeront plus tard, avec un personnel « Charles-Michellisé » aux horaires ultra-flexibles.
Les médias applaudiront cette « liberté nouvelle » comme un bienfait du libéralisme bien compris avec à l'embauche quelques chômeurs résolus à s'employer le dimanche. Les petits commerçants et gérants feront connaissance avec le CPAS et l’humiliation de la pension-aumône du dénommé Bacquelaine, quelques années plus tard, quand ils seront revenus de leurs fantasmes !
Le petit commerce des centres villes n’ira pas tout de suite au dépôt de bilan. Mais il faut déjà constater une autre politique des hypermarchés. Par exemple au Makro d’Ans, présentations réduites, sous-traitance d’une moitié d’étage, des rayons plus espacés et des marchandises de meilleure qualité pour une clientèle plus clairsemée, mais toujours équipée d’automobile.
Madame Yerna compte sur les touristes chinois pour sortir « ses » classes moyennes du désastre financier qui les guette. Or, il n’existe pas une clientèle pour le grand luxe à Liège. Il faut remonter jusqu’à l’avenue Louise à Ixelles pour s’acheter un sac Louis Vuitton.
Qui peut croire que les touristes qui, par définition, ont du temps libre, vont attendre le dimanche pour faire leurs achats ? Or, c’est sur ce prétexte là qu’on programme l’ouverture des magasins un dimanche par mois à Liège.
L'actuelle volonté d’ouverture du dimanche traduit la primauté de la consommation sur l’aspect social du repos dominical. Les pulsions de l’homo-économicus doivent être débarrassées de tout interdit, afin de remplir sa fonction d’éponger les nouveautés.
Le bonheur droitiste et libéralement réformé passe par le renouvellement en vente rapide de nos portables, colifichets, appareils électroménagers, et babioles vestimentaires. C’est juré, le dimanche rattrapera tout. Lundi ?... C’est trop tard, le client a changé d’avis ! C’est fou, non ?
Commentaires
Excellente chronique, partagée sur le réseau social sur ma page.bonne soirée mon cher Duc.
Postée le: Gaston Reiter | août 25, 2018 09:13 PM