– Une nouvelle crise ? – Tu es folle !
J’avais anticipé sur les discrètes allusions des médias en commémo des dix années après le 15 septembre 2008, jour fatal pour Lehmann Brothers la banque en faillite. Je me doutais bien que nos grandes voix allaient rester discrètes. Reynders n’en a pas pété une ! Pourtant, lui, il a mordu dans l’argent public, avec l’ivresse d’un type qui contrevient à toutes les règles depuis Adam Smith et son Alexis de Tocqueville chéri, mais pour une grande cause !
Il faut croire que la main invisible n’était pas ce jour là destinée à sa tête à claques.
On n’a pas vu grand-chose. Les journaux caniveaux n’en ont pas soufflé mot. Les estafettes de Rossel ont tapissé leurs bureaux de bonnes intentions et les économistes officiels se sont montrés aussi stupides qu’il y a dix ans. Le tout est de savoir si la plus grande récession après 1929 a servi de leçon au monde capitaliste ?
Le système économique est éculé comme mes bottes. On sait que ça va mal finir. Mais, c’est comme le glyphosate ou les récipients en plastic, on voit que ça va nous tuer, mais on ne peut rien y faire, les derniers instants du pognon vite fait bien fait, c’est sacré. Même les fauchés savourent !...
– Le monde de la finance a-t-il vraiment changé ? – Non, madame, rassurez-vous. C’est toujours comme avant. – Vous croyez ? – Oui, j’en suis sûr ! – Vous me paraissez bien certain ! – Mais que ferions-nous sans lui ? – Oui, vous avez raison. – Comme je vous le dis ! – Je peux rentrer chez moi et me manustuprer ? – À votre aise. – La faim dans le monde ? – Non, ce n’est pas pour tout de suite, vous dis-je….enfin, pas pour vous encore.
Les cinq Charlots, les plus grands acteurs mondiaux de la banque d'investissement qui ont poussé Reynders à nous dévaliser, drainent toujours un tiers de l'activité du secteur. Forcément, on les a pouponnés, bichonnés, comme des jeunes pandas ! Le club des cinq est la, à l'exception d'UBS, remplacé par Bank of America Merrill Lynch. Les trois agences de notation, Moody's, Standard & Poor's et Fitch, toutes bigleuses au point de voir un dollar en double, ont tellement toujours mal à distinguer un trou du cul d’un goulot d’une bouteille de Cola, pourtant ils trustent toujours 96,4 % du marché. The Economist note que les rémunérations des patrons de J.P. Morgan, Goldman Sachs et Bank of America ont atteint de 23 à 30 millions de dollars en 2017.
– Charles, vous avez dit la Crise ? – Je sors la Bentley ou vous préférez la Rolls ? – Ne serait-ce pas plus prudent de rester discret en ce moment ? – Sortez à bicyclette, c’est la journée sans voiture à Bruxelles ! – Oh ah ! quelle horreur ! J’espère que vous avez une dispense ? – Comme d’habitude. – Alors nous prendrons la Berlingo de la femme de ménage.
Mais tout n’est pas voyous et compagnie. Le caractère de l’homme est d’être insondable. Certaines banques ont fait des efforts en matière de fonds propres.
Mais comme en finance l’honnêteté n’est jamais récompensée, leur rentabilité a beaucoup baissé. Au total, le système financier global a été nettoyé. Les 243 milliards de dollars d’amendes ou de transactions qui lui ont été imposées sur plus de 200 opérations jugées illégales montrent que les Banques centrales ont encore quelques gendarmes probes.
Restent deux grattes profondes dans la carrosserie qu’on désespère de « ravoir ».
L’endettement mondial s’est multiplié par deux en dix ans. C’est la vieille histoire de la fin des accords de Bretton Woods dont les conséquences font travailler les planches à billets du dollar jour et nuit. Gonflées à bloc, les liquidités des banques centrales, que les pays remboursent laborieusement et non sans déchirements, que valent-elles au juste ? On a du mal à croire que la production des imprimeries d’État, c’est le fruit de la sueur, du sang et des larmes. Les travailleurs en doutent.
Le Vatican lui-même sort le nez des burettes, le pape François s’inquiète. Peut-être sera-t-il encore au rez-de-chaussée de la basilique, plutôt qu’étendu raide au sous-sol, le jour où patatras ! le monde de patraque passera à barjo !
Il ne plie pas l’affaire comme ça ; mais il n’est tout de même pas nécessaire de sortir d’un stage de commerce de François Lenglet pour comprendre le pape « On perçoit la nécessité d’entreprendre une réflexion éthique sur certains aspects de l’intermédiation financière – écrivait la Congrégation pour la doctrine de la foi, dans un petit ouvrage (Oeconomicae et pecuniariae quaestiones) qui a fait grand bruit. Son fonctionnement, lorsqu’il est déconnecté des justes fondements anthropologiques et moraux, non seulement produit des abus et des injustices évidents, mais se révèle capable de créer des crises systémiques de portée mondiale».
– Encore une gorgée, sa Sainteté ? – Non, j’ai déjà trop bu ! – Mais du Petrus 1968, tout de même ? – 68 ! surtout ne le dites pas à Cohn-Bendit.