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Aux brutaux d’alcôve.

On a bougrement bien fait de mettre les pieds dans le plat à propos des violences faites aux femmes. Ce n’est pas fini, on découvre tous les jours un peu plus de la goujaterie agressive, des menaces et des voies de fait, des machos, des pervers, des malabars à deux balles, des mal-embouchés à la comprenette laborieuse et des psychopathes spécialisés dans le jupon résigné.
C’est ainsi que le président des Philippines Rodrigo Duterte continue de faire des blagues sur le viol. Il a expliqué l'augmentation des viols dans une ville par la beauté des femmes locales !
Toute l’éducation des mâles est à refaire. Il faut casser les traditions stupides, les religions bâties sur des inégalités imaginaires, les mépris imbéciles des filles dans des environnements familiaux ancestraux… etc. Pour ce faire, comme le travail est considérable et qu’il est loin d’être terminé, en bonne logique, il y a lieu de s’atteler aux crimes d’abord : les viols, les coups, les frustrations et les brimades, ce qui offense le plus l’esprit de justice et d’égalité. Enfin, attirer l’attention sur les cas beaucoup plus rares où le harceleur est une femme et le harcelé un homme, ne pas l’ignorer, mais il y a, semble-t-il, plus urgent ailleurs.
Bref, s’il faut y aller à fond pour les viols, les harcèlements agressifs en rue et les coups d’autant plus facilement donnés que c’est souvent le plus musclés qui s’en prend au plus faible, il faut se garder de trop se précipiter sur le reste et parfois, rejoindre les loups qui hurlent sans savoir, quelles sont les raisons de la meute de le faire.
Exemple, la philosophe américaine Avital Ronell qui a été suspendue par son université, après la plainte d’un ancien étudiant. Je ne connais pas la dame plus que cela, sinon avoir lu quelques traductions de ses commentaires sur Nietzsche, Heidegger et surtout Levinas, bref, là n’est pas la question. Elle est de l’interprétation du langage dans sa sémantique.
La New York University, où elle est professeur d’allemand et de littérature comparée, lui reproche un « sexual harassment » («harcèlement sexuel»), « non-consensual sexual contact », «stalking» et «retaliation» («représailles») envers un doctorant, Nimrod Reitman, dont elle était la tutrice, en la sanctionnant d’un an de suspension de ses fonctions. Les faits datent de 2012. Le jeune homme a aujourd’hui 34 ans, la philosophe 66 ; il est gay, elle est lesbienne !
L’université n’a retenu que le seul «harcèlement sexuel» en même temps qu’il a été exclu tout contact de nature sexuelle.
La question du langage – c’est bien de cela qu’il s’agit – intéresse tout le monde et dépasse de loin le cas Ronell. Elle touche directement les locuteurs du français qui, comme chacun sait, pratiquent une langue aux expressions déjà assez fleuries qu’on découvre dans les dictionnaires ; mais qui s’étend aussi à ses langages parallèles, comme l’argot sédentaire et les apports maghrébins, l’enrichissant par l’apport linguistique d’une population très diversifiée et géographiquement plus étendue que celle du pourtour méditerranéen.

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Le langage peut être dans la vie de tous les jours, aussi performatif que sur une scène de théâtre par de bons manieurs de mots. Ceux-ci devraient-ils défraîchir la verdeur de leurs expressions au sens où les mots agissent, blessent, réjouissent, font mal, consolent, selon les limites et l’usage que chacun tire de la langue dans laquelle il s’exprime ?
Autrement dit, devrait-on user de trois cents ou quatre cents mots d’usage courant de peur de tomber sous le coup de la loi ?
Déjà la loi défend d’employer des mots qui péjorativement connotent un certain racisme, comme « nègre » ou « youpin », ce qui pose un problème de traductions et de rééditions, si en plus on y ajoute des mots qui pourraient valoir une accusation pour harcèlement sexuel, où va-t-on, sinon à un appauvrissement du langage ?
Bien évidemment, le harcèlement uniquement verbal est condamnable et délictueux. Qui dit harcèlement dit insistance lourde sans tenir compte de la violence de l’effet produit sur autrui. Ce qu’on reproche à Ronell, c’est un langage excessivement «affectueux» des mails adressés à Nimrod Reitman, pendant qu’elle l’aidait à passer son doctorat !
Il est difficile d’évaluer l’impact des mails que des adultes s’envoient. La philosophe occupait une position de prestige et de pouvoir qui pouvait impressionner le doctorant, et l’obligeait à «subir». Avital Ronell a, d’après ses correspondants, une façon «familière» de s’exprimer, directe, peu académique, fleurie - qui fait penser au «langage tutoyé» de l’après 68. Elle embrasse facilement ses correspondants, envoie des cœurs, des lovelove. Quant à en être perturbé au point de s’en aller plaindre, c’est quelque chose qui me dépasse ! Sacré Reitman !
Tout est affaire de réciprocité. Un message sur Facebook ou un SMS avec «tendres baisers», qui est mal perçu, il est clair qu’il faut trouver au message suivant un type d’expression qui convienne.
Cette affaire qui traite des mots à dire et d’autres à ne pas dire aurait un épilogue judiciaire si Nimrod Breitman portait plainte, ce qu’il n’a pas fait. On n’en sait que le verbatim de l’enquête interne de la New York University. Cela a déjà sali la réputation d’une femme. On se doute qu’une théoricienne de gauche, lesbienne, militante de la «révolution #MeToo», est mal barrée dans l’Amérique de Trump. Ces gesticulations font du tort à la formidable heure de vérité pour les femmes. Elles ne font que donner des armes à Weinstein et aux violeurs.
C’est regrettable.

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