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Roland Cayrol licteur du prince.

Roland Cayrol, politologue, auteur de « Les raisons de la colère », nous a livré involontairement dans le « C dans l’air » de ce jeudi 6 décembre 2018, les raisons d’un divorce quasiment définitif entre l’intelligentsia qu’il représente et celle, moins conventionnelle, des opposants du système.
À la question de Caroline Roux, présentatrice de l’émission, sur les dépenses somptuaires de l’État et à propos des rémunérations des personnels de haut niveau et de l’appareil de gouvernance , président de la république inclus, Roland Cayrol a eu une réponse qui prouve bien qu’il n’a rien compris. « Dans les dépenses de l’État, celles qui concernent les avantages et traitements des ministres et députés sont infimes par comparaison à celles qui tiennent de la sécurité sociale, des retraites et de l’enseignement. »
Vue sous cet angle, la comparaison est évidente. Mais s’agit-il bien de cela ? Pour quelqu’un qui a écrit un livre sur les raisons de la colère que ne s’est-il inquiété de celle-ci !
Les Français en ont marre qu’on les prenne pour des veaux de la part de ceux qui sont complètement déconnectés de la vie dure et difficile de la plupart des gens.
Et comment le pourrait-il ? Des hauts fonctionnaires aux parlementaires, aucun n’est en-dessous d’une rémunération qui équivaut à dix fois le smic ! Au moment de l’affaire Benalla, on a appris que ce modeste garde-du-corps du prince percevait 6.000 € plus un appartement de fonction ! Voilà qui le met dans une fourchette de cinq à six fois le smic, à condition de trouver un appartement dans le privé à Paris à des prix raisonnables.
Comment Cayrol, pourtant réputé de bon sens et intelligent, ne voit-il pas que, même si ces dépenses de l’État sur les salaires de ses privilégiés sont infimes, cela est encore beaucoup trop ?
Ce n’est pas tant ce qu’on leur donne qui est important, mais de la façon dont il pense être au service de l’État et de leurs concitoyens à cause de ce qu’on leur donne.
Toute la logique en est bouleversée, même Cayrol qui doit boucler son budget de la même manière, sinon mieux encore, est atteint dans son jugement à l’identique et pour les mêmes raisons.

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Mais, diront les jusqu’auboutistes du système, les sommes allouées par l’État à ses élites sont loin en-dessous de celles qu’elles pourraient gagner dans le privé. En disant cela, ils croient avoir tout dit. Sauf que si le scandale est avéré dans le domaine public, il est plus grand encore dans le domaine privé. C’est toute la société qui est en cause.
Et c’est justement là que se trouve une des raisons de l’incompréhension de Roland Cayrol et probablement de toutes les personnes sollicitées par Caroline Roux pour occuper les quatre chaises disponibles pour la discussion.
Eux aussi gagnent beaucoup trop par rapport à certaines autres professions, certaines pensions et certaines détresses et même chez certains de leurs collègues pigistes.
Notre société sombre dans l’émeute et l’anarchie rien que pour cette injustice là.
Rien ne justifie qu’un productif gagne dix fois, cent fois ce que gagne un autre productif.
L’équilibre est rompu à ce sujet. Les critères ne résistent pas à l’examen.
Même la sacro-sainte loi des mérites au diplôme est battue en brèche. Non seulement l’intelligence qui paraît être le critère de base à cette discrimination ne se réduit pas au diplôme, mais en outre, plus d'un quart des diplômés aujourd’hui ne trouvent pas un emploi relevant de ce pourquoi ils ont étudié. Des pans entiers de cette société ne sont pas ainsi rémunérés d’après leur savoir-faire, mais d’après des offres d’emplois extravagantes tenant compte des modes, des fantasmes industriels, de l’appât de l’inutile que sont les campagnes publicitaires.
C’est sur son petit îlot de satisfaction, son bon salaire et sa réputation d’hommes d‘esprit et de savoir que Cayrol estime que son semblable, son frère, à l’Élysée ou au parlement est légitimement en droit de survoler le smic, plutôt dix fois qu’une !
Cette mentalité se perçoit partout parmi les stars de la presse, les journalistes de télévision, cette intelligentsia des universités, de l’ENA, de polytechniques, toutes ces grandes écoles dont on sort comme le sorbonnard de la Renaissance en quête d’un maître, d’un mécène, d’un grand du système finalement. Sauf, que tous ne seront pas du bon côté de cette démocratie particulière qui n’a plus vraiment que le nom.
On voit bien pour défendre âprement l’Europe, la société qui s’y est agglomérée, les règles qui en sont sorties, il faut bien qu’il y ait des gens qui en soient heureux, qui perçoivent le prix du confortable et de la satisfaction. Qui ne voit que cette Europe là triche et reproduit ce dont contre quoi elle a été créée, une société dans laquelle une classe sociale est à l’aise au détriment de toutes les autres.
Au lieu de chercher une démocratie fraternelle et solidaire, par devers nous et contre notre volonté, on a créé un monstre sous couvert de démocratie et de suffrage universel.
Les Gilets Jaunes ont peu de chance de faire basculer la France et l’Europe dans quelque chose de plus équitable et humain. L’argent qui peut tout est de l’autre côté. Mais, cette chance là existe et c’est déjà formidable de le faire savoir au monde entier.
Les intellectuels qui ont la cote sous la houlette de Caroline Roux devraient quand même y réfléchir. Ils sont là aussi pour ça, non ?

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