Au PS, l’idéologie en berne.
Ça se passe en France, donc cela se passera en Belgique. Je parle du nombre de partis se réclamant de l’antisystème. C’est un phénomène causé par le discrédit de la représentation politique, qui atteint en France des proportions considérables. Pourtant, au vu des pourcentages, 28 % des Français ont voté pour Macron, et 9,64 % de Belges pour Charles Michel (MR), lors des élections fédérales de 2014, le discrédit est trois fois plus important en Belgique. Le Vote obligatoire et la séparation par région des partis de la même obédience rendent évidemment la comparaison difficile.
Ce désamour quasiment complet à l’encontre de la démocratie par délégation est pourtant plus visible dans les structures de la Belgique qu’en France, Il tient dans l’impossibilité de trouver des lois adaptées aux deux communautés et qui ont des effets égaux de part et d’autre de la frontière linguistique. La séparation est inévitable, parce qu’à cette difficulté s’ajoute une autre impossibilité, celle de trouver un équilibre qui associerait les deux communautés en un projet économique et social commun.
On le voit bien, la dernière coalition politique déséquilibrée a fortement avantagé la communauté la plus peuplée. Ce pis-aller fédéral ne peut plus se reproduire après les élections de mai sans déboucher sur un scandale. On a bien vu que si ce gouvernement est allé presque jusqu’au bout de cette législature, c’est parce que les constitutionnalistes ont trituré les textes pour faire semblant qu’on restait dans la légalité.
La crise politique en Belgique a aussi un aspect inattendu qui ne tient pas au nationalisme flamand, mais à l’absence d’une gauche unie en Wallonie. En cause le PS engagé dans une conquête d’un centre qui dépérit, mais qu’il s’obstine à vouloir conquérir en maintenant l’illusion d’un capitalisme social encore possible. L’absence d’un bloc dominant de gauche en Wallonie qui aurait pu dialoguer d’égal à égal, avec le bloc formé d’une autre manière en Flandre, produit un effet pervers sur le fédéral.
La constitution d’un tel bloc de gauche, consistant à satisfaire les attentes des classes défavorisées, n’est pas possible avec un PS en contradiction non seulement avec son électorat, mais encore avec ce qui a fait son succès dans une lutte des classes clairement définies depuis ses statuts et qu’il a trahie dès que ses élites se sont embourgeoisées. Ce double reniement a valu à son homologue français pratiquement de disparaître de la scène politique.
En adhérent au choix d’une politique d’austérité, en rupture avec la gestion critique de l’économie, Di Rupo, lorsqu’il était premier ministre, a préparé le terrain d’une détérioration de la condition déjà misérable des chômeurs et le reste à l’avenant. Depuis, le PS a poursuivi son chemin dans le camp des catégories aisées, au point de rendre difficile un changement de carre, comme on dit en patinage artistique.
Ce parti s’appuie sur l’habitude de certains électeurs à voter rose, c’est-à-dire modéré. Il compte encore sur le soutien d’une minorité, ouvriers et employés du secteur tertiaire, à droite par conviction religieuse ou par adhésion aux valeurs d’ordre et de sécurité.
Jusque dans la dernière décade du siècle précédent, les électeurs pouvaient interpréter la politique du PS comme une transition d’un capitalisme social-démocrate fondé sur un État social combiné avec un secteur nationalisé, pensé comme le fer de lance de la croissance et du progrès. Au vu de l’évolution de l’économie mondiale, cela paraît de plus en plus utopique. Par contre, ce qui est devenu réalité, c’est la nécessité d’une prise de conscience de la lutte des classes, comme nécessaire pour sauver ce qu’il reste du domaine public et la vente à l’encan des biens de tous, à des intérêts privés.
Près de trente années plus tard, on peut voir ce qu’a coûté l’erreur de tourner le dos aux ambitions transformatrices. La rigueur a tari les rangs de la gauche réformiste. Mondialisée, cette économie est désormais hors contrôle des démocraties classiques, partagées entre la dévotion du système par idéal et la dévotion par intérêt et nécessité.
Cette contradiction entre les politiques économiques passée et présente du PS devait déboucher sur une crise que les socialistes ont tenté d’empêcher en cherchant à se renouveler, en vain. Au point que pour les élections de mai, ils s’adressent à leurs anciens électeurs, avec des professions de foi aux antipodes de ce qu’ils sont devenus.
Les partis ont sensiblement changé. Le CDH s’effondre. Lutgen disparaît dans la panique de devoir rendre des comptes aux dirigeants. Presque tous sont menacés de ne pouvoir rempiler. Les Écolos ont le vent en poupe et pourraient grossir en avalant le côté « humaniste » du parti. Un rien peut décider l’électeur du PS à voter PTB. Ce rien dépend de la conjoncture, des événements en France et du pas de deux du PS qui doit démontrer que sa politique actuelle n’a plus rien à voir avec celle d’hier.
En toute logique et au grand dam du pouvoir actuel, le PTB peut ramasser la mise.