Entre les bittes (1) du wharf.
Les souvenirs nazis à Anvers, ce n’est pas simple, il en existe encore. De la mairie au port, on en trouve parfois. Certains collent aux basques de Bart De Wever et d’autres aux ourlets des robes de l’évanescente ministre flamande Liesbeth Homans (N-VA). Non pas qu’ils aient été de la Volkssturm les héros malheureux des derniers jours d’Adolphe, puisqu’ils n’étaient pas né ; mais il y a une certaine malédiction de racler le fond flamand des voix disponibles, on ramène certains poissons prédateurs contaminés par une toxine (nazitoxicus) résistant à tout entre les bittes des wharfs. Certains, comme Theo Francken, en ont ingurgité beaucoup, si bien que la mèche et la moustache du « bien-aimé » plane toujours sur le Pier !
On a beau les escamoter, les fantômes reviennent chatouiller les mémoires à défaut des consciences des « p’tits gars » de la N-VA. On s’en est aperçu à la rénovation du dock Delwaide, pour l’arrivée de 8.000 bateaux TEU.
Ce nom « Delwaide » est venu aux oreilles de l’historien Herman Van Goethem. « 1942 » (2) est un ouvrage qu’il consacre à l’attitude des autorités communales anversoises pendant cette fameuse année 1942 de la Deuxième Guerre mondiale. Leo Delwaide fut bourgmestre pendant la guerre. Et il a, ce grand bourgeois, cet homme honorable, décoré par Léopold III, aidé l’Occupant dans la déportation des Juifs et des Résistants.
S’appuyant sur un faisceau de preuves indubitables, l’auteur démontre que Leo Delwaide, bourgmestre catholique d’Anvers durant la Seconde Guerre mondiale, a activement facilité la persécution de la population juive de sa ville, et en particulier sa tranche la plus pauvre, la plus fragilisée.
1941 fut l’année terrible pour la population qui fuyait à la fois les Allemands et la bonne bourgeoisie anversoise, comme la bonne bourgeoisie du reste de la Belgique, nazifiées par conviction et surtout par intérêt.
Mais, l’année 1942 fut l’année charnière ! Celle où l’on passe des Chemises brunes à la Résistance, enfin pas tout à fait, on a encore peur des Allemands, juste qu’on ne traque plus les Juifs, qu’on les trouve même sympathiques et qu’on s’enquiert si parmi les cousins éloignés il n’y en aurait pas un qui serait résistant, afin de lui envoyer des couvertures et un thermo de café de temps en temps.
Parce que 1942, c’est Stalingrad. Il n’y a que les Flamands obtus qui ne s’aperçoivent pas qu’Adolphe est fichu, tous les autres, dont les bons bourgeois et le bourgmestre d’Anvers s’en rendent compte.
C’était le bon moment pour les élites de passer « du bon côté de l’Histoire ».
Et c’est ça que le public ne comprendra jamais. Aucun de ces grands bourgeois, commis des nazis pendant la guerre, peut-être même ayant dénoncé personnellement quelques Juifs qui gênaient pour des locations d’appartement quand on est bon gestionnaire, se trouvèrent soudainement à la tête des Cortèges de la Libération, mitraillette au poing, après s’être assuré qu’Anglais et Américains avaient repoussé « la peste brune » bien au-delà de la zone de parade où il est de bon ton d’être ceint du laurier des vainqueurs.
Van Goethem, avec un style un peu plus édulcoré que le mien, nous confronte à plusieurs vérités qui dérangent. L’idée selon laquelle en 1940, de nombreux mandataires, contraints et forcés, n’auraient prêté à l’occupant nazi qu’une assistance passive.
Couillonnades qui ne résistent pas à l’analyse.
Des personnalités de premier plan comme le bourgmestre d’Anvers Delwaide, celui dont la Patrie reconnaissante a baptisé un dock de son nom, ne se sont pas limitées à fournir le strict minimum des prestations requises. Elles ont bel et bien fait du zèle et collaboré !
Van Goethem, qui a sans doute l’âme d’un Gilet Jaune, se demande si nos mandataires d’aujourd’hui se comporteraient autrement ?
On ne peut pas dire… mais des girouettes de la trempe de Charles Michel, des oiseaux migrateurs comme Didier Reynders et des Coqs de combat feutré comme Elio Di Rupo, sans parler des Anges de la Flandre éternelle de la N-VA, franchement, je ne mettrais pas ma main sur la grenade GLI-F4 des CRS, pour le jurer !
La collaboration exposée dans l’ouvrage « 1942 » participe moins d’une conviction idéologique que d’un opportunisme, dit l’auteur, pour sauver l’honorabilité de sa classe sociale. Et on le comprend. Ce n’est jamais enrichissant de se faire traiter de salaud par une partie de la population.
Faut-il ou non rebaptiser le bassin Delwaide ? C’est une affaire antwerpennoise. Léo Delwaide de bourgmestre collabo à résistant glorieux est passé, après guerre, échevin du port, ultra célébré et décoré, pilier à jamais de la Belgique éternelle.
Le bon bourgeois effacera-t-il la canaille des années noires ?
On a déjà vu pire. Le bourgeois n’est jamais ignoble dirait Bart De Wever. C’est quand on est sans argent et sans travail qu’on l’est. C’est une façon de voir les choses. Elles sont inscrites dans la Constitution, elle-même gravée au fronton des banques. Alors pourquoi se gêner, tant qu’on y est !
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1. Ou bollards, c’est comme on veut.
2. « 1942 » is het kantelpunt van de Tweede Wereldoorlog. Vanaf november lijden de nazi’s zware nederlagen. Overal in het Westen, van Londen tot Washington, veranderen overheden en hun ambtenaren de politieke koers. Ook in Antwerpen. Herman Van Goethem wekt dit cruciale jaar weer tot leven. Hij schrijft een beklemmende kroniek van het dagelijkse leven in de havenstad. De Joden zinken er weg in armoede en wachten af. Het stadsbestuur collaboreert ijverig met de bezetter. De politie komt steeds meer in de greep van een ruige Nieuwe Orde, en vanaf augustus worden de Joden ook massaal gedeporteerd. Cruciaal is de internationale context van oorverdovende stilte en slepende onzekerheid.