De Benito à Matteo.
Bart De Wever et Tom Van Grieken ont trouvé leur héros. Il s’appelle Matteo Salvini. L’effet Matteo a accéléré en Flandre l’accord de gouvernement régional, la « suédoise », sous la direction de Jan Jambon : la N-VA les libéraux et les CD&V chrétien. Le Vlaams Belang est en réserve. Theo Francken (N-VA) garde le contact. Les socialistes ont espéré des places. La droite sera pure sucre et la « gauche » congédiée comme un laquais.
Le MR se tâte. Les Michel se méfient. Le fiston va faire son entrée à l’Europe. Il regarde plutôt l’Italie de Salvini de travers. L’Italien espère faire en solo, une politique autoritaire qu’on adorerait chez les libéraux.
Salvini a rompu avec son partenaire au gouvernement, le Mouvement 5 étoiles (M5S). Il réclame des élections anticipées. Le chef de l’extrême-droite est contre le tunnel Lyon-Turin, dernière promesse de campagne du M5S. La Ligue de Salvini enchaîne les victoires. Quelques mois après l’arrivée au pouvoir de la coalition “jaune-verte”, il ne reste plus le moindre doute sur la couleur qui domine.
Marine Le Pen exulte. Macron sort une philippique contre l’extrémiste italien, de la manière dont il gère le conflit avec les Gilets Jaunes, il ferait mieux d’être plus discret.
Ce qui se passe en Italie est préoccupant.
En 2013, quand Matteo Salvini prend la direction de la Ligue du Nord, elle se trouve dans une impasse, incapable de convaincre les électeurs du Sud. Rusé. Le ministre de l’intérieur change de cible, il stigmatise les technocrates bruxellois et les « immigrés profiteurs » plutôt que les « Calabrais fainéants ». Cette stratégie rallie le Sud au Nord et transforme la Ligue en pivot de la politique italienne, et peut-être européenne.
Ne riez pas, ce serait possible aussi en Belgique. Il suffirait que les militants du PS basculent à droite plutôt que suivre leur pente naturelle de rallier le PTB, et s’encanailler dans un gouvernement fédéral avec Bart De Wever. Vous avez remarqué ? Celui-ci a cédé l’emploi de ministre président régional flamand à Jan Jambon ! Ainsi, il se réserve pour le fédéral !
En attendant ce scénario belge, l’Italie a un nouvel homme fort. Les Italiens depuis Jules César adorent les hommes forts. Ils sont versatiles et l’esprit moqueur typiquement latin.
Ni le président du conseil, Giuseppe Conte, ni le chef du Mouvement 5 étoiles (M5S), majoritaire dans la coalition dirigeante, ne sont les maîtres des cartes à abattre, le patron, c’est le ministre de l’intérieur, M. Matteo Salvini.
En Belgique, au moment de la démission de la N-VA à l’affaire de Marrakech, il s’en est fallu d’un cheveu que nous ayons notre Salvini en la personne de Theo Francken, tant il avait pris de l’ascendant. Heureusement que Charles Michel avait une ambition européenne. Il ne pouvait pas céder sur le traité. Sinon, il aurait poursuivi son ministère et ouvrait la porte à toutes les ambitions des nationalistes flamands.
Le nouveau duce italien a des points communs avec les leaders flamands d’extrême droite. D’obscur conseiller municipal de Milan, il devient un monument « di destra nazionalista e xenofobo ». En reprenant la critique de l’Europe suffisamment floue pour rassembler les griefs de la droite et de la gauche, il ne se réclame ni de l’une ni de l’autre, devenant une sorte de héros national qui applaudit le Brexit, en sachant qu’il n’en sera rien en Italie.
Salvini est un hybride, anarchiste puis militant communiste dans sa jeunesse. Le passage d’un extrême à l’autre montre la versatilité du personnage et son absence de convictions profondes.
C’est là le secret de la graine de dictateur. Ce fut le cas de Mussolini.
À l’image du Parti communiste italien (PCI) d’antan, la Ligue est une organisation qui enrôle ses militants dans une grande variété d’activités.
Le contexte historique favorise cette ascension. L’Europe est au plus bas dans l’opinion des électeurs. L’immigration n’est pas résolue. L’Italie est idéalement placée pour « accueillir » tout qui traverse la Méditerranée. Les États égoïstes, n’ont rien fait pour aider les Italiens à chercher des solutions communes, d’où un sentiment d’abandon du pays fondateur de l’UE. Les rêves d’Altiero Spinelli, partisan d’un fédéralisme continental, ne se sont pas réalisés.
Au contraire, l’Union s’est peuplée de bureaucrates qui dictent leurs politiques à des gouvernements élus, sans se préoccuper des mandats démocratiques. Ils imposent l’austérité néolibérale en menaçant d’un cataclysme le pays qui emprunterait une autre voie.
Là est le drame, les dictateurs amalgament les ressentiments, les justes colères, dans un concentré. Ils y incarnent le sauveur providentiel. Par leur talent, ils font croire être les seuls à avoir la solution globale.
Quand on s’aperçoit que rien n’a changé, il est trop tard. On est fait comme un rat. Les flash-Balle et les gaz lacrymogène n’ont pas de frontière, c’est même Macron qui montre l’exemple.