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Il parle, je cause…

Ce n’est peut-être pas joli-joli de le faire savoir à ceux qui l’ignorent, mais dans le règne animal, seul l’homme à ceci de particulier qu’il peut dire le contraire de ce qu’il pense. C’est le seul animal menteur.
Les catégories usant le plus de ce défaut procèdent de la politique et de ses dérivés.
Le plus glorieux de tous, celui qui a fait de ce défaut l’arme principale de son gagne-pain est souvent le porte-parole des autres.
Les autres, c’est-à-dire nous, nous mentons aussi, mais en plus insignifiant.
Notre capacité à traiter correctement l’information semble dégradée par rapport à nos cousins les singes qui comptent pourtant deux chromosomes en moins que nous, 46 au lieu de 48.
Nous avons une piètre mémoire et nous sommes des témoins imparfaits confrontés aux événements.
C’est ainsi que deux hommes devant un artefact tout à fait simple, produiront deux récits distincts et jureront chacun, que ce qu’ils décrivent est tout à fait exact.
Si nous sommes si étrangers à l’animal et surtout à l’ordinateur qui enregistre des millions d’informations sur le temps que nous en conservons une seule ou pas du tout, c’est que devant le moindre fait notre imagination et notre aptitude à mentir nous jouent des tours.
Un exemple l’incendie de la cathédrale Notre-Dame de Paris.
Depuis que l’on sait le vieux chêne quasiment ininflammable, la présence de deux gardes de nuit, le système électrique nouveau, les alarmes en parfait état et les ouvriers monteurs de l’échafaudage partis, les faits sont en passe de pervertir une possibilité parmi cent variantes d’encore connaître jamais une vérité capable d’être partagée par tous, et si cela arrive, une bonne partie du public restera sceptique et convaincue du contraire.
L’homme met du sens partout, au point qu’il est incapable de percevoir le réel.
S’accorder sur un minimum est déjà un énorme travail, pour des résultats modeste et sans cesse à revérifier.

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Un autre exemple, l’économie capitaliste.
Déjà au seul prononcé du mot « capitaliste » 50 % des interlocuteurs ne veulent pas aller plus loin. C’est entendu, celui qui emploie ce mot est une personne hostile et qui va mentir pour nous faire croire qu’il a raison.
Pourtant, qui est doué d’un certains sens de l’observation voit bien que cette aventure économique ne marche pas comme elle devrait. Ne vaudrait-il pas mieux entreprendre une réflexion sur l’avenir de cette économie et les moyens, s’ils existent, de l’amender avant qu’elle ne se fracasse et nous emporte avec elle ? Or que fait-on, on ratifie le CETA, alors que tout nous recommande, au nom de l’écologie, d’annuler ce traité !
Le pouvoir politique nous écoutant serait la sagesse même. Les gens de pouvoir ont une capacité de ne pas voir la réalité en face, de se mentir à eux-mêmes et à nous mentir par la même occasion, proprement stupéfiante.
La parole est faiblement informative et fortement argumentative. Le discours politique dominant est insupportable, en ce sens qu’il n’entend que les sons qu’il émet, sans jamais ouïr ne serait-ce que l’écho produit.
Cette absence d’agapè nous vient des Grecs qui mettent en place un rapport au convaincre qui se transforme en technique systématique qui prime sur toute vérité, à partir d’arguments que les Cyniques sauront maniés pour le bonheur des partis politiques d’aujourd’hui.
L’institution de la démocratie correspond à une place plus importante de la parole dans la société, en même temps qu’un champ infini d’illusions et de mensonges.
La démocratie, dès qu’elle parut, fut ce qu’elle n’a jamais cessé d’être depuis, une machine à convaincre. La représentation depuis la Grèce antique n’a été que celle de la parole.
La parole est « l’outil par excellence, la clé de toute autorité dans l’État, le moyen de commandement et de domination sur autrui (1) ». Voyez Macron, pour en être convaincu, son marathon de la parole avec le Grand Débat.
Cette parole assied la notoriété de celui qu’on écoute et handicape celui qui l’écoute, dans la mesure où le temps de parole de ce dernier ne correspond pas à celui de l’orateur. C’est pourquoi les questions et les réponses dans un meeting ne servent pratiquement qu’à donner à l’orateur une impression dominante par son savoir, induisant par la même occasion et sans contrôle, l’infériorité de celui qui écoute par son manque de connaissance supposée.
Pour donner plus de sens à la parole dominante, on l’attribue non pas au plus capable d’en faire un bien collectif, mais au plus diplômé, censé valoir, sans autre forme de procès, une capacité supérieure à quiconque à atteindre ce bien collectif.
On effectue ainsi, sans le savoir, une démarche qui va dans le sens de la bourgeoisie au pouvoir. Le mensonge sert à hiérarchiser davantage la société. Il est l’élément clé de l’autorité.
Ni commander, ni obéir est la définition grecque de la liberté. Belle définition, beau symbole aussi difficile à respecter aujourd’hui, que ceux qui, après l’avoir inventée, l’oublièrent aussitôt.
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1. Jean-Pierre Vernant « Les origines de la pensée grecque », PUF Paris 1962.

Commentaires

Non, c'est exactement l'inverse. 46 chromosomes chez l'espèce humaine et 48 chez le chimpanzé. Et en plus le nombre de chromosomes ne veut pas dire grand chose.

Merci infiniment.
Le caryotype humain et celui du chimpanzé, bon, on apprend tous les jours. Merci encore à vous.
R3.

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