Impersonator
Le gouvernement intérimaire a trouvé une astuce : accuser l’accusateur de ce qu’il vous accuse. Le pouvoir, qui a le plus gros potentiel, sort invariablement vainqueurs. Ex. : les gens se sentent méprisés par le pouvoir, qu’à cela ne tienne, le pouvoir se sent méprisé par les adversaires de la démocratie.
Les Autorités font d’une pierre deux coups, l’argument balaie un large front de l’extrême gauche à l’extrême droite. En amalgamant les extrêmes, le gouvernement tend à les rapprocher et donc à les confondre dans l’esprit du peuple.
Cette pratique est opportune pour les élites qui se distinguent par le mépris qu’elles affichent pour le peuple. Reste à savoir pourquoi les effets du mépris des élites se remarquent davantage aujourd’hui, alors qu’elles n’ont pas changé depuis des temps immémoriaux ?
On a beau épluché les journaux de mai 68 jusqu’à l’orée du troisième millénaire, on ne lit nulle part que la classe d’intellectuels au pouvoir « méprisait » les citoyens de condition inférieure !
L’évolution s’est faite dans la critique plus libre, plutôt que dans l’attitude des dominants. Il faut y voir le sentiment d’appartenance à une classe défavorisée qui juge plus lucidement les comportements d’une classe privilégiée.
Le rapport de l’élite avec l’argent facile, le sentiment que le diplôme justifie des écarts de revenus énormes, tendent à faire accroire chez les dominants qu’un sentiment dit de mépris n’est plus perçu comme contraire au respect des autres, mais comme une valeur comparative conférant aux dirigeants une distinction supplémentaire.
Cette erreur de jugement jette une ombre sur ce qu’ils pensent être une supériorité intellectuelle, alors qu’elle n’est que le reflet de la bêtise de l’important qui se laisse prendre au piège de son importance.
Le mépris de classe est-il plus fréquent aujourd’hui qu’hier ? Probablement pas, mais c’est la sensation que l’on en retire qui est davantage perceptible.
L’arrogance des élites au pouvoir atteint sa forme la plus odieuse dans la fausse modestie.
Elle s’affiche dans l’attitude du premier ministre Michel apparemment doué pour jouer Tartuffe, quand on sait que derrière son attitude modeste, il y a un formidable lobbying de plan de carrière. Seuls les gens à qui on ne la fait pas, perçoivent le regard du traître Ganelon, une cruauté intérieure dans l’espace d’une seconde. Un geste brusque d’impatience, d’une longue séance de mains molles et nonchalantes, n’échappe pas non plus à l’observateur.
Le peuple perçoit mieux la duplicité aujourd’hui qu’avant. Il a un sixième sens pour cela.
Qui sont les gens qui ne se laissent plus avoir ? Je reste à la définition marxiste de la classe ouvrière et de son opposition frontale aux capitalistes. Haïe de la classe possédante et des intellectuels au pouvoir, elle s’honore de cette haine et s’en fait une gloire.
La structure sociale, avec la montée d’une classe moyenne largement politisée à droite avec le MR et le PS, un instant coupables d’avoir voilé l’incompatible cohabitation entre riches et pauvres, ne jettent plus le doute dans la tête des gens. Les masques tombent. Tout n’était qu’apparence : Marx avait raison et son seul point faible, il n’avait pu le savoir, c’était le désastre écologique qu’en son temps personne n’avait prévu.
La classe ouvrière s’était peu à peu démobilisée et dissoute dans une classe plus large agglomérant les victimes de la pauvreté programmée des États bourgeois. Le PS y a joué un rôle trouble pas très bien connu encore de nos jours en cherchant à obtenir des avantages économiques plutôt qu’à renverser et remplacer le capitalisme. Ce parti avait volontairement parié sur la réussite du système, sans en débattre avec ses militants.
Cela a évidemment affaibli la capacité heuristique du marxisme qui dans l’aventure a perdu des vulgarisateurs et des philosophes. Des sociologues y ont vu le triomphe des classes moyennes. C’était avant 2008/2009 !
Les classes moyennes reculent numériquement et s’appauvrissent financièrement. Quoiqu’elles conservent des avantages, dont elles profitent plus que d’autres catégories.
La croissance des hyper-riches autour des métiers de la finance, du management et des hautes technologies aura eu raison d’une clase tampon, laissant à découvert dans un nouveau champ de bataille les riches suborneurs de la démocratie et les pauvres injustement dépouillés de l’égalité.